LE LION RÉINCARNÉ, roman, un conte contemporain : ce que dit le marronnage
19/12/2014
Possession, médiumnité, réincarnation :
une praxis qui provoque et procure le sens de « tout en tout ».
LE LION RÉINCARNÉ
un conte contemporain : ce que dit le marronnage
de Joël Roy
« Le lion réincarné, un conte contemporain :
ce que dit le marronnage »
est paru chez L'Harmattan.
Il est disponible dans toutes les librairies ou en ligne sur le site de l'Harmattan
Comment vous le présenter ?
le mieux est sans doute que je vous livre
l'avant-propos comme mise en bouche. Le voici donc.
Dans les années quatre vingt, à Amsterdam, une femme d’origine surinamaise fut prise en charge par la psychiatrie. Depuis longtemps déjà, sans doute depuis son enfance, elle présentait des troubles de conscience se manifestant par des crises et des maux de tête, qui étaient anciens. Après quelques années ses crises avaient fini par la conduire en service psychiatrique hospitalier. Comme elle était en grande souffrance, on a dû la médicamenter, ce qui troublait et inquiétait son mari. Lui et son entourage finirent par se poser des questions sur l’origine de ces crises ressemblant de plus en plus à des possessions. C’était un délire qui n’était pas seulement un enchaînement de crises d’hystérie, mais structuré, avec des comportements répétitifs.
Dans ce cadre psychiatrique apparaît un personnage, un gambien originaire de Georgetown, non-musulman (il est important de le préciser, comme nous allons voir), qui déclare : « Mais ce que la dame hurle, chez nous, on appelle ça des djat ». Les djat sont des cris particuliers, que les anciens, en transe, utilisaient pour éliminer les lions. C’était un don. Cette pratique a été laminée par l’Islam et les Marabouts, mais elle est restée vivante dans quelques lieux de cette région de Janjanbureh en Gambie, comme l’un des apanages des dynasties mandingues pré-islamiques. C’est important pour l’historien comme pour le romancier car cela permet de dater les informations. Tout le bagage oral de cette région d’Afrique est la relation de cette pénétration par l’Islam. S’il y a bien une histoire pré-islamique, elle se trouve de fait cantonnée au niveau des mythes et des contes et légendes. Elle est méprisée, mais reste cependant porteuse de connaissances ésotériques, précisément, qui ne se transmettent pas dans les écoles coraniques. Il y a, d’un côté, les Islamistes et les descendants du prophète, et il y a, de l’autre, ces « dynasties royales » où la royauté n’a pas été donnée par le Marabout ni par les chefs coutumiers. Il y en a dans tout le Pays mandingue et au-delà, jusque dans le Fouta Djalon… D’avoir imaginé que cette dame puisse hurler des sons qui aient un sens a surpris tout le monde. L’homme qui a affirmé cela a donc enregistré ces cris…
Aucun rapport, aucun document historique ne fera référence à ce roi-lion. On n’en trouvera trace que dans cette relation des anciens sur la déportation contemporaine à l’esclavage. Cet individu, descendant des premières dynasties et qui, pour une raison ou une autre, a dû déplaire, c’est lui qui est réincarné. Au-delà de la personne déportée, il est le vecteur de cette antériorité animiste qui est déterminante dans le fait que l’on trouve dans le winti, ce syncrétisme afro-américain, à la fois réincarnation et possession. Il est également, tout au long de son existence et de celle de son avatar, posé sur un acte de résistance… Résistance à l’agression des fauves, aux envahisseurs tribaux, à l’Islam, à la médecine moderne, à l’assimilation, etc. Il représente une identité. Il s’agit ici d’une femme qui a construit, d’abord seule, son identité. Sur son délire s’est ensuite greffé du sens, collectivement. Et cette femme, entre Amsterdam et Paramaribo dans les années quatre vingt, ne fait pas autre chose que ce qu’avant elle ses propres ancêtres faisaient.
De nos jours de nombreuses personnes reçoivent les esprits et deviennent alors incontrôlables. Peut-être qu’à cause de la frustration générée par l’assimilation, ils ont besoin d’être conduits à incarner un autre sens, donner du sens à leur existence. Peut-être également est-ce une folie élémentaire, répandue chez beaucoup de gens se trouvant dans un espace pluriculturel où ils n’arrivent pas à trouver véritablement leur place autrement que dans l’interprétation du Blanc. S’ils trouvent un jour une posture qui leur convient, ils l’adoptent et l’investissent. La possession, ici, est domesticable dans le cadre familial, sans problème, tant que ne s’y greffe pas le phénomène de la réincarnation. Les Africains ne sont pas adeptes de la réincarnation, qui est un fait proprement et profondément afro-américain.
Le Winti auquel il est ici fait référence, est la conséquence de la cohabitation de divers panthéons africains qui ont tendu peu à peu vers un certain syncrétisme, mais beaucoup moins que le vaudou ou le kandomblé avec l’église catholique. En vérité, le winti serait un syncrétisme africain, à partir de panthéons d’origines géographiques différentes, mais qui ont en commun la possession et la réincarnation, sans pratiquement aucun emprunt au monothéisme,. La réincarnation étant en quelque sorte la dimension la plus évidente, je crois, de la possession permanente.
Possession, médiumnité, réincarnation. C’est une praxis qui provoque et procure le sens de « tout en tout ». Le reste de l’histoire appartient au livre que le lecteur aura en mains.
J.R.
L'histoire est vraie, contemporaine. Le récit en est fait. Le fait que j'aie respecté la vérité ou non, cela me revient, car cela est écrit dans le jardin de liberté du romancier. C'est son utopie à lui.
Pour autant, ce « conte contemporain » n'est pas une fiction.
LE LION RÉINCARNÉ, un conte contemporain : ce que dit le marronnage
Éd. L'Harmattan, décembre 2014
ISBN : 978-2-343-05153-6
203 pages, 19 €
En vente dès le 23/12/2014, achat en ligne ici
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