HARPIE EST EN BAISSE DE FORME - LES OPÉRATEURS MINIERS EXULTENT
16/03/2013
Où l'on apprend que les deniers publics (nos impôts)
vont servir à installer les opérateurs miniers
sur les sites illégaux évacués par Harpie...
Source: Guyaweb
En pleine controverse sur l'efficacité d'Harpie, les autorités ont rendu publics les chiffres officiels des opérations menées en 2012. Ils traduisent une baisse des missions, de l'efficacité.
Les saisies et destructions de matériels restent peu ou prou les mêmes d'une année sur l'autre en ce qui concerne les pirogues, moteurs, camions, voitures, motos. Pour les quads, les saisies-destructions chutent à quatre-vingt-dix, contre 174 en 2011.
En 2012, la saisie de stupéfiants a quasiment été divisée par deux, elle s'élève à vingt-six kilos, soit en poids, le triple de l'or saisi ! Les seules hausses concernent les appareils électro-ménagers, les tuyaux et les concasseurs, les tables de levées, les compresseurs, bref une moisson peu reluisante pour ce dispositif militaire instauré depuis cinq ans qui regroupe près de 600 intervenants.
Pour le préfet Denis Labbé, « En 2012, il y a eu moins de missions qu'en 2011. La traque de Manoelzinho en est l'explication » rapporte France Guyane (28/02). Il y a quelques semaines, le WWF Guyane dénonçait « l'effet Manoelzinho, sans pérennité et sans efficacité réelle », cette intervention musclée et inédite des forces armées sur le site minier de Dorlin en juillet 2012, assortie de la traque des meurtriers présumés de deux militaires français.
Des chantiers illégaux connus, mais prospères
« En octobre 2012 sur le Lawa, les activités logistiques sur la rive du Suriname avaient retrouvé leur vigueur, tout comme Ilha Bela [sur l'Oyapock] » déplorait par ailleurs le WWF Guyane.
S'il est impossible pour la France d'intervenir hors de ses frontières, néanmoins ce qui abasourdit est la difficulté de saisir le métal précieux, alors que la localisation des chantiers illégaux est pourtant bien connue des militaires.
« La concentration forme un "u" » nous expliquait le commandant des Forces armées de Guyane, le général Metz, « là où il y a une concentration du gisement aurifère ». « La zone la plus impactée étant toute la bordure qui longe le Maroni », ce demi cercle est riche en or mais il offre aussi une facilité de ralliement vers les pays voisins, « les orpailleurs illégaux trouvent refuge de l?autre côté [du Lawa-Maroni] et ils ont plus de facilité pour reconstituer leur matériel auprès des comptoirs-pour-parfaits-petits-orpailleurs ».
Tout se fait en bordure des zones habitées donc, « car dès que vous faites une vingtaine de kilomètres en forêt, les prix [du matériel vendu par des échoppes illégales] sont doublés », « plus on va dans la forêt, plus c'est cher, c'est vrai pour nous et pour eux » nous commentait le général Metz.
Alors pour doper Harpie en berne, une réorientation stratégique se profile. Les enquêteurs sont appelés à s’intéresser à la « logistique », le barrage qui n’en est un que pour les automobilistes de Bélizon sera abandonné, « remplacé par un poste plus bas sur la piste et un autre, sur la RN2, juste avant le pont qui enjambe l’Approuague » détaille France-Guyane.
Votre témoin préféré s'est alors remémoré, comme suite à la lecture de l'info ci-dessus sur le site Guyaweb, un article paru peu auparavant dans notre quotidien favori (et unique), citons France-Guyane, en cette fin de février :
L'État, la Région et la FedomG (fédération des opérateurs miniers de Guyane) ont signé vendredi une déclaration d'intention permettant l'implantation d'opérateurs miniers légaux sur les sites clandestins évacués lors des opérations Harpie.
« Cela fait des années qu'on en rêve ! » Un large sourire lui barrant le visage, Gauthier Horth, le président de la FedomG, peine à masquer sa joie après la signature de la déclaration d'intention survenue vendredi après-midi en préfecture. Elle a pour objectif d'installer des entreprises minières légales sur les sites illégaux évacués suite aux opérations Harpie. « Pour nous, c'est la possibilité de réinstaller facilement des opérateurs », se félicite le leader du conflit des opérateurs miniers qui a eu lieu la semaine dernière. « Mais c'est aussi une manière pour l'État de reconnaître que les opérateurs légaux ne sont pas coupables de tous les maux dont on les accuse. Les écologistes entretiennent une confusion malsaine entre légaux et illégaux. Aujourd'hui on montre que la différence entre les deux est claire. »
Le Témoin s'interroge, ici : en quoi un accord signé entre un État central lointain, une Région institutionnellement concentrée sur le littoral et un groupement d'intérêt corporatiste (un "lobby", en langue véhiculaire) aurait-il force de démonstration ?
La déclaration d'intention a été signée par l'État, la Région et la FedomG. Elle faisait partie des revendications des opérateurs miniers lorsqu'ils ont bloqué les abords de la préfecture. L'objectif est d'installer rapidement une dizaine d'entreprises, puis une vingtaine d'ici deux ans. « Le but final est que l'activité minière puisse être normalement menée une fois que l'orpaillage clandestin sera éradiqué », selon le préfet. « Il convient d'occuper le terrain ».
Un dispositif qui ne doit pas être isolé
« L'opération s'adresse principalement aux opérateurs locaux. Pour eux, ceci représente une aubaine mais ils ne se précipiteront pas pour autant sur les sites évacués par Harpie. « Il faut voir la rentabilité du site », précise José Constable, le patron de la société Minéa, qui se fait l'écho de l'avis de l'ensemble de la profession.
« Il faut d'abord savoir s'il reste suffisamment d'or à exploiter, l'état des aménagements, les frais à engager, l'accessibilité du site... ». Autrement dit, tous les sites n'intéresseront pas forcément les opérateurs.
Le processus prévoit justement un état des lieux pour leur permettre de connaître les caractéristiques des sites proposés (lire ci-dessous). Pour Rodolphe Alexandre, qui avait émis des réserves quant à cet accord, en retardant la signature, tout cela doit d'ailleurs se faire « avec un regard de prudence et de vigilance » . Le président de Région a donc exigé qu'apparaissent dans le document les capacités financières, techniques et environnementales des opérateurs qui mèneront à bien l'exploitation des sites. Pour la Région, ce dispositif ne doit d'ailleurs pas être isolé, « sinon, on sera dans la même situation dans deux ou trois ans », mais doit s'intégrer dans un développement industriel de l'activité minière. La Région va d'ailleurs lancer un projet de centrale d'affinage de l'or, pour un coût de deux millions d'euros.
Décidément, encore des questions dans la tête du Témoin malveillant... si je lis bien :
« L'opération s'adresse principalement aux opérateurs locaux ». Mais voyons la suite... « Il faut voir la rentabilité du site », précise José Constable, patron de la société Minéa, qui se fait l'écho de l'avis de l'ensemble de la profession. L'opération s'adresse principalement aux opérateurs locaux. Pour eux, ceci représente une aubaine mais ils ne se précipiteront pas pour autant sur les sites évacués par Harpie. « Il faut voir la rentabilité du site ».
Le Préfet a pourtant bien déclaré : « Le but final est que l'activité minière puisse être normalement menée une fois que l'orpaillage clandestin sera éradiqué ». « Il convient d'occuper le terrain ». Douce rêverie dans la tête du premier représentant de l'État ?
Les points toujours en discussion
Sur les treize points du protocole de suspension de conflit, signé le 8 février par l'État et la FedomG, cinq points restent encore en suspens. Ils seront discutés mi-mars à Paris lors d'une rencontre entre la FedomG et les ministères de l'Outre-mer et du Redressement productif. Il s'agit des points suivants :
1. Un plan d'intervention permanent visant l'éradication de l'orpaillage illégal sur le territoire.
2. Gouvernance locale des ressources naturelles et prise en compte des demandes de la Guyane dans la réforme du code minier.
3. Suspension du processus de validation de la charte du Parc Amazonien de Guyane, tant que la question de l'activité minière légale n'y aura pas été débattue.
4. Suspension immédiate du Sdom (Schéma départemental d'orientation minière) comme l'avait promis le candidat François Hollande lors de sa venue en Guyane (c'est fait, NdTémoin).
5. Obtention de la ratification par le Brésil de l'accord bilatéral de coopération transfrontalière de lutte contre l'orpaillage illégal.
Je rajouterai bien un (tout petit...) point supplémentaire, peut-être même deux :
6. Quels contrôles seront effectués, par qui, à quelle fréquence, etc. afin de s'assurer d'une part du respect des normes environnementales par les opérateurs miniers, d'autre part d'un impact minimal sur l'environnement (les normes ne prévoient pas tout). Évaluation externe ou interne ?
7. On connaît bien la réactivité des garimpeiros. Comment garantir, après l'abandon d'une exploitation par des opérateurs "légaux", que le site ne sera pas à nouveau, et très vite, investi par les "illégaux" ? Faudra-t-il faire revenir Harpie sur ce site ?
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