SUR LES TRACES DE BONI, chronique sur Guyane 1ère
19/01/2019
Une chronique de Marie-Claude Thébia
Sur les traces de Boni, paru aux éditions Ibis Rouge, est un ouvrage signé par le Collectif Mama Bobi.
Mama Bobi est une association qui valorise et perpétue les cultures noires marronnes. Ce livre rassemble les travaux historiques de chercheurs notamment néerlandais, mais pas seulement…
De nombreux livres ont été écrits sur Boni et la naissance du peuple du même nom. Des romans, des bandes dessinées, des livres d'histoire, mais jamais un tel ouvrage n’avait été conçu. Le Collectif Mama Bobi a recensé, sélectionné, trié un grand nombre de travaux de chercheurs néerlandais et français en les comparant avec la parole des anciens, la parole transmise de génération en génération.
Un personnage légendaire ?
Il s'agit de raconter la véritable histoire des marronnages et des Bonis. Une collecte de documents pour raconter l’histoire des marronnages et revenir sur l'émergence du peuple Boni à partir de faits vérifiés. Ces documents ont été analysés, disséqués, recoupés. L’originalité est que ce livre se lit comme un roman passionnant. Guerre, paix, amours et trahisons.
Au 18è siècle, les dirigeants de l’armée hollandaise et les marrons se livrent une guerre sans merci. Une guerre sanglante qui durera près de 10 ans, obligeant les résistants à traverser le fleuve et passer sur le territoire français. Une guérilla menée par des grands chefs rebelles fins stratèges avides de liberté, esclaves en fuite dénommés les Marrons. Parmi eux : Boni le conquérant, dit Okilifu (« il tuera beaucoup »). Le gouvernement hollandais est obligé de faire la paix. Un traité est signé. Il ne durera pas longtemps.
Les différentes versions de la mort de Boni
Des documents rarissimes ont pu être traduits. La mort de Boni en est un exemple frappant. Selon la tradition orale, Boni a été séduit par une créature venue des enfers. Différentes versions existent mais toutes expliquent que le vieux chef a perdu la protection des esprits car il a été charmé par une femme-singe à la manière de Samson ou d’Achille, personnages mythiques. Une femme dont la mission était de découvrir son talon d'Achille.
Dans les faits, Boni aurait été décapité lors d’une bataille épique. Sa tête aurait été jetée ou simplement perdue dans le fleuve Maroni.
Ce livre a été initié il y a 20 ans. Il se compose de deux parties : les Histoires de marronnages suivies par L’émergence d’un peuple. Chaque thématique est découpée en quatre grands chapitres.
Le Collectif Mama Bobi est à l’origine de cet ouvrage. Cette association existe depuis 1990. Elle œuvre à la transmission des cultures des sociétés issues du marronnage dans des domaines très variés : arts et traditions populaires, pharmacopées, us et coutumes… Mama Bobi veut dire sein maternel en langue du fleuve.
Pour que l'histoire se transmette
La collecte des documents a été finalisée et structurée par Joël Roy bien connu dans le milieu littéraire et associatif. C’est un travail de longue haleine. Il est destiné au grand public certes, mais surtout aux jeunes et aux étudiants afin que l’histoire ne se perde pas.
Présentation de Sur les traces de Boni : la chronique littéraire de chaque vendredi dans le JT de 13h.
Joël Roy a finalisé les travaux du Collectif Mama Bobi. Joël Roy, écrivain, est très actif sur le plan associatif. Il est l'un des administrateur de Mama Bobi.
- C’est un ouvrage très fouillé très argumenté, comment ont été collectées les informations ?
JR : C'est un travail de presque vingt ans, initié par quelques militants de Mama Bobi rassemblés autour d'Antoine Aouégui dit Lamoraille. Des chercheurs, des historiens parmi lesquels beaucoup de Surinamais et de Néerlandais. Il faut bien dire que leurs fonds d'archives sont bien plus conséquents, concernant les guerres marronnes du XVIIIè siècle que ceux de la France. Pour ce qui est de la traduction des documents, nous avons choisi la plupart du temps de faire appel à des traducteurs professionnels afin d'être sûrs de la justesse des informations.
- Ce livre se lit comme un roman comment a-il été construit ?
JR : Destiné principalement aux jeunes lycéens et aux étudiants, il a été conçu pour être lu un peu comme un feuilleton : deux parties composées de quatre grands chapitres, et des sous-chapitres entre deux et quinze pages en moyenne... On peut le prendre, le refermer après quelques pages, le reprendre plus tard... Il ne sera pas pris comme un « pavé » indigeste...
- On a beaucoup parlé de Boni pourquoi revenir sur son histoire et celle de son peuple ?
JR : Lamoraille écrit : « Sur les traces de Boni ? Nous y sommes toujours, résistants et créateurs de nos propres mythes émancipateurs ». Il est nécessaire de retravailler les mythes fondateurs en leur fournissant une actualité. En cela, la figure de Boni devrait nous servir de grille de lecture pour une approche contemporaine de la marronnabilité. D'abord regarder les commencements, les fosi ten, et mesurer la distance parcourue dans le temps et dans l'espace. Le marronnage est-il compatible avec aujourd'hui ? Quels sont les enjeux de survie d'un peuple en tant qu'entité aujourd'hui ? Quelles différences identitaires survivent entre une femme descendante de Marrons et une métropolitaine qui possèdent la même carte de fidélité SuperU et font toutes deux la queue en poussant leur chariot rempli vers la caisse ? Bien sûr, ma réflexion est provocante. Mais si l'identité est soluble dans l'assimilation, la marronnabilité reste nécessaire aujourd'hui. Sous quelle(s) forme(s) ? Si l'émancipation peut être collective, la prise de conscience est le plus souvent individuelle. À chacun(e) de travailler l'idée de marronnage à sa propre façon.
Propos recueillis par Marie-Claude Thébia
Sur les traces de Boni : Histoires de marronnages suivi de l'Émergence d'un peuple
Éditions Ibis Rouge, collection Espace outre-mer
ISBN : 9782375205464
368 pages, 28,00 €
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