Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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PSYCHIATRIE AU FIL DE L'EAU

23/05/2014

Une unité de psychiatrie flottante

Lu dans France-Guyane

le 5 mai 2014

 

Depuis un an et demi, une unité mobile de psychiatrie va régulièrement à la rencontre des patients qui résident dans les communes isolées, notamment celles situées sur l’Oyapock.

 

053.jpgLa santé et l'équilibre psychologique des habitants des communes isolées de Guyane sont des sujets qui dépassent les frontières du département. Ainsi, lors de la séance du 15 avril au Sénat, Aline Archimbaud (sénatrice écologiste de Seine-Saint-Denis et secrétaire de la délégation à l’Outre-mer) a interpellé la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin, sur ce point précis. Sa question portait sur le taux de suicide « préoccupant » et sur « les conditions de vie considérablement dégradées » des « villageois du Maroni et de l'Oyapock ». La sénatrice soulève plusieurs points, notamment les moyens de prévention destinés à lutter contre le suicide. Or, depuis un an, le pôle psychiatrie du centre hospitalier Andrée-Rosemon (Char) de Cayenne a précisément créé une unité mobile qui permet d'aller régulièrement à la rencontre des populations dites « isolées ».
Enfin, on en parle, on essaie de « faire des choses ».  Mais sait-on réellement ce qu'il conviendrait de faire ? mais je m'égare. Continuons notre lecture (NdTémoin).
Douze personnes composent l'équipe mobile. Quatre médecins, cinq infirmiers, un psychologue, une éducatrice et un cadre de santé. « Nous desservons régulièrement toutes les communes qui dépendent du Char, explique le directeur des pôles de psychiatrie et de pédopsychiatrie, Yves-Noël Simchowitz.

 

250 patients suivis par cette unité
Une fois par mois, une équipe de trois personnes (un médecin psychiatre, un psychologue ou un éducateur et une infirmière) part dans les communes isolées de l'Oyapock. » Des voyages de consultations qui conduisent les équipes jusqu'à Trois-Sauts. Près de 250 patients consultent les personnels de santé de cette unité mobile. « Il y a des suivis légers et des prises en charge psycho-sociales importantes », souligne le docteur Simchowitz. Des mineurs font évident partie des nombreux patients. Le service travaille donc en partenariat avec le rectorat afin de permettre une détection et un suivi efficace des enfants susceptibles de rencontrer des difficultés psychologiques. « Nous avons tous les âges, précise le psychiatre. Avec un renforcement de la vigilance sur les adolescents et les jeunes adultes, car c'est l'âge critique pour un passage à l'acte auto-agressif ».
Yves-Noël Simchowitz précise que « le taux de suicide est plus élevé sur le fleuve que dans le reste du département ». La santé de certains patients nécessite parfois une hospitalisation. « Par précaution, quand on sent qu'il y a un danger imminent », indique Léo Pavlopoulos, le psychiatre qui effectue les visites sur l'Oyapock. « Nous sommes présents pour améliorer le bien-être des populations, insiste Yves-Noël Simchowitz. Mais celui-ci ne dépend pas que d'une prise en charge psychologique, car elle doit aussi être d'ordre social et professionnel ».

 

On essaye de créer du lien
052.jpgLe docteur Léo Pavlopoulos, psychiatre, a déjà effectué plusieurs visites à Trois-Sauts afin de s'entretenir avec des patients. Pour le praticien, la nécessité de l'unité mobile est une évidence. « Rien que le fait d'être présent, ça aide, assure-t-il. Dans les faits, on a déjà constaté une différence entre nos différents passages. On voit moins de tension, moins de crises ».
Lors de ses venues, le psychiatre insiste sur l'importance d'instaurer un lien relationnel avec les patients, mais aussi avec la population. « Il faut se montrer, participer, passer à chaque fois dans les cinq ou six villages, explique-t-il. Il ne s'agit pas de consultations typiques. Il nous faut deux à trois visites pour parvenir à convaincre une personne de venir à un entretien. Après, certains viennent, d'autres pas... Mais on essaye de créer du lien. Avec les patients, pour qui le prochain rendez-vous doit être perçu comme un point de mire, mais aussi avec les médecins du centre de santé. »

 

Comprendre de façon plus profonde
Sur place, Léo Pavlopoulos a relevé des difficultés de diverses natures. « Les problèmes liés au choc des cultures, notamment par le biais des nouvelles technologies, souligne-t-il. Il y a le cas des jeunes qui vont à l'école à Saint-Georges et qui, quand ils reviennent, doivent reprendre leur mode de vie. Ce n'est pas toujours simple. On a vu des suicides pour des conflits familiaux, des choses qui peuvent nous paraître banales ». Il s'agit d'une raison pour lesquelles le psychiatre estime que le travail de l'unité mobile doit se poursuivre. « Il faudrait que ça continue, pour que nous puissions mieux comprendre, de façon plus profonde », insiste le médecin (élémentaire, mon cher... NdTémoin).

 

Finalisation du service de pédo-psychiatrie
Yves-Noël Simchowitz, directeur des services de psychiatrie et de pédo-psychiatrie du Centre hospitalier Andrée-Rosemon, annonce l'ouverture « dans les mois à venir» d'un service d'hospitalisation à temps plein uniquement destiné aux plus jeunes patients. Un service attendu depuis de nombreuses années. Le placement de mineurs entre les murs de l'unité adulte ayant fait l'objet de plusieurs polémiques ces dernières années. Ce nouveau service comprendra douze lits afin d'accueillir les patients.

 

Si je lis bien, c'est à dire derrière les mots, « la santé et l'équilibre psychologique des habitants des communes isolées de Guyane sont des sujets qui dépassent les frontières du département », il est fait un constat en creux sur la capacité même de ces populations à bien se porter. Alors il me vient encore une question polémique, bien qu'au ras du sol : prend-on les choses par le bon bout ? Je n'ai rien lu ici qui se rapporte, même de loin, à la pression extrême où les plonge la société occidentale moderne qui, après tout les a infiltrés sans qu'ils aient rien demandé. Sauf pour « le cas des jeunes qui vont à l'école à Saint-Georges et qui, quand ils reviennent, doivent reprendre leur mode de vie ». Mais qu'est-ce qui a changé ? Est-il besoin d'être psychologue ou psychiatre pour s'apercevoir que ce ne sont pas les jeunes en question qui seraient devenus capricieux, rétifs à la frustration consumériste, refusant un mode de vie qui ne leur convient pas, alors qu'il a toujours convenu à leur pères et ancêtres ? Ceux-ci se sont adaptés à un tel fonctionnement et ont construit des sociétés auto-régulées depuis des millénaires. N'importe quel ethnopsychiatre vous expliquerait cela simplement. Et même s'il se trouvait parfois un individu pour présenter des comportements déviants, il était pris en charge par la communauté toute entière s'appuyant sur une pensée magico-religieuse. Les esprits responsables étaient invoqués voire convoqués, et la déviance soit était corrigée, soit était acceptée et aménagée par la communauté. Y avait-il des bipolaires chez les anciens Amérindiens ou Businenge ?
Quant à envisager  l'ouverture « dans les mois à venir d'un service d'hospitalisation à temps plein uniquement destiné aux plus jeunes patients. Un service attendu depuis de nombreuses années », l'idée même devrait faire frémir tout thérapeute non encore englué dans la pensée psychiatrique.
Oui, il y a urgence. De comprendre l'ordre des choses. Par nous.

 

Pour aller plus loin, consultez le dossier constitué à ce sujet : Suicides en masse chez les Amérindiens


23/05/2014
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