Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

18/09/2024

Franky Amete est né à Paramaribo, Suriname. Lui-même businenge, il descend donc des esclaves qui ont quitté les plantations pour s’installer en forêt amazonienne et combattre pour leur liberté. Il vit proche de la nature et a hérité des hommes de sa famille, notamment de son père Ronald Amete, sa connaissance du tembe.

 

Franky aujourd’hui compose ses œuvres avec des matières naturelles : le sable, la terre, des feuilles, mais aussi des tissus. Pour autant, il continue à se consacrer au ferfi tembe, le tembe peint.

 

Il aime à présenter son art en Guyane, mais aussi dans l’Hexagone et hors de France, où il est régulièrement invité au Québec, au Brésil et aux États-Unis particulièrement. 

                                                                                                                Lorsque Franky m’a proposé d’écrire sa biographie, en septembre 2022, je me suis engagé avec enthousiasme, juste avant de réaliser à quel point je me mettais en danger en acceptant cet « exercice » : raconter sa vie, cela pouvait-il avoir quelque sens si je ne savais pas exposer ses doutes et ses apprentissages, son cheminement de jeune garçon sur les layons obscurs ou inquiétants de l’adolescence, ses conduites à risques parfois, en des temps troubles de l’histoire du Suriname, toutes ces recherches du suma na mi[1], toujours aussi nécessaires au Marron adulte qu’il est désormais ?                                                                                                                                                            [1] « Qui suis-je ? »

La tâche, je m’en suis vite rendu compte, n’était pas légère, et cela d’autant plus qu’il me fallait éviter, encore et encore, les écueils de mon esprit qui ne devrait jamais tomber dans la caricature anthropologique : je devais montrer la construction d’un Homme. Un homme qui, comme beaucoup d’autres, possédait une identité multiforme, celle (entre autres) d’être un Nègre Marron et celle d’être un artiste contemporain, un tembeman.

 

Comment cette élaboration s’est-elle produite ? Pour des populations traditionnelles qui utilisent des moyens de communication oubliés par les sociétés dites modernes, la transmission mémorielle et culturelle passe particulièrement par les rituels et par l’expérimentation que l’on pourrait qualifier de magico-spirituelle sans omettre, bien sûr, la connaissance et la pratique d’une langue que l’on a héritée de ses Anciens.

 

La révélation de ce qui a été transmis ne se fait pas par des « sachants », fussent-ils des capitaines, mais par des individus qui occupent une position sociétale : le bonuman (qui connaît la magie), le dresiman (qui connaît les remèdes, notamment les plantes), le dronman (le frappeur de tambour), le botoman (le piroguier), etc. Chacun d’eux possédant une connaissance constituée de savoirs qui ne sont rien tant qu’ils n’ont pas donné lieu à expérimentation.

 

Je me suis donc rendu compte, rapidement, que si je voulais devenir le dépositaire de savoirs que Franky acceptait de me transmettre, il me fallait adopter la posture de celui qui observe et reçoit les savoirs qu'il recherche. C'est cela qui a motivé la forme de nos dialogues : des échanges, certes basés sur l'amitié, mais dont je ne pourrai pas faire l'économie de l'expérimentation de ces savoirs dont je devenais le dépositaire.