Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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GUYANE, LE DERNIER ELDORADO, sur France Ô

07/09/2012

France Ô annonce :

visite de la jungle, nouveau repaire des braconneurs,

trafiquants et autres hors-la-loi, et

retour sur les bouleversements provoqués

par la construction d'un pont

à suivre en rediffusion lundi 10 septembre

 

 

Pour parler de son pays, la Guyane, lorsqu'elle siégeait sur les bancs de l'Assemblée, Christiane Taubira, aimait dire : « Le nez dans les étoiles, les pieds dans le marigot ». Elle résumait ainsi le cliché de la forêt primaire jouxtant le centre spatial de Kourou. Pour sortir de cette image réductrice, l'émission Investigations de France Ô s'intéresse à la France équinoxiale. Une France quasi inconnue des Français. (communiqué France Ô)

 

Ce pont qui ne s'ouvre pas...

Pour comprendre la genèse de l'idée d'un pont sur le fleuve Oyapock, frontière entre la France et le Brésil, il nous faut faire un petit retour en arrière :

L'achèvement en 2003 de la liaison routière de 80 km entre Régina et Saint Georges de l'Oyapock a permis le désenclavement de l'Est guyanais et a créé un accès routier menant à la frontière brésilienne. L'axe RN1/RN2 assure donc la liaison sur 450 km entre Saint-Laurent du Maroni, frontière surinamaise à l'Ouest et Saint-Georges de l'Oyapock, frontière brésilienne à l'Est. Selon nos politiques, la construction d'un franchissement du fleuve Oyapock permettra d'ouvrir la Guyane vers l'État voisin de l'AMAPA et plus globalement constitue un lien routier entre la France et le Brésil. Les premières études ont été menées au début des années 2000 et l'aménagement de ce franchissement a été confirmé par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003.

 

L'accord franco-brésilien relatif à la construction d'un pont sur le fleuve Oyapock et de la liaison routière reliant la Guyane et l'État de l'Amapa a été signé le 15 juillet 2005, à l?occasion de la visite du président LUIZ INACIO DA SILVA LULA en France. Cet accord a été ratifié par la République fédérative du Brésil en 2006 et par la République française par une loi du 18 janvier 2007. Il prévoit que chaque état réalise les voies d'accès au pont et les postes de contrôle situés sur son territoire et que le pont sera construit sous maîtrise d'ouvrage brésilienne. Il a institué deux commissions chargées de coordonner les différentes étapes du projet : une commission intergouvernementale et une commission technique. La rencontre des présidents Nicolas Sarkozy et Luiz Inacio da Silva Lula à Saint-Georges de l'Oyapock en février 2008 a été l'occasion de réaffirmer leur volonté commune de faire aboutir rapidement la réalisation de cette liaison.

 

Christiane Taubira, de son côté, fulmine : « Ce pont, analyse-t-elle, est le résultat d'un fantasme partagé entre deux présidents. On en revient à l'Eldorardo ! On n'a pas modifié le droit, pas articulé les pratiques. Aucune économie n'a été pensée autour de ce pont ».

 

 img001-copie-2.jpgVous connaissez le goût du témoin que je suis pour les soi-disant « projets de développement »... sans projet. Il n'est que d'observer un exemple que nous avons sous notre nez à Saint-Laurent : celui de la route de Saint-Laurent à Apatou. Jusqu'à ces trois dernières années, Apatou était un gros village sur la rive française du Maroni, tranquille, avec les inconvénients de ses avantages : tranquille parce qu'isolé à moins de faire deux à trois heures de pirogue pour s'y rendre ou le quitter. Depuis l'ouverture de la route (déjà très abimée par les saisons de pluies bien que non encore inaugurée), fini le calme à Apatou : c'est à présent le règne de la bagnole, il y en a partout. Les produits illicites, qui arrivaient au compte-goutte par des « importateurs » en pirogue, arrivent à présent par coffre de voiture, en quantité que je vous laisse imaginer. Dans l'autre sens, de nombreux villageois ont quitté le village pour chercher un boulot fantasmé à Saint-Laurent, et naturellement ils s'installent dans des quartiers périphériques comme Djakata, qui n'ont pas grand-chose à envier aux favelas brélisiennes. En outre, un nombre très difficile à identifier de gars qui gagnaient leur vie comme piroguiers pour acheminer personnes et frêt de Saint-Laurent à Apatou se retrouvent à présent sans job. Mais il reste le RSA, merci l'État central ! C'était aussi le moyen pour les habitants d'aller vendre au marché l'excédent de leurs cultures (manioc, dachines, etc.). Mais en vendant trois racines de manioc on n'a pas l'argent pour acheter une voiture.

Résumons : fracture sociale, fracture culturelle avec fin de la transmission inter-générationnelle... Perte de repères qui transforme les jeunes en gibier de prédilection pour les trafiquants. Et je ne développe pas les effets induits : risque de tomber du stade de consommateur à celui de dealer, ou de mule transportant des capsules de crak ou de coke que l'on s'introduit dans le vagin ou le rectum... D'autres rejoindront les sites d'orpaillage illégal et seront certainement préférés aux Brésiliens par les chefs de réseaux, car les Bonis ont généralement la nationalité française et ne pourront être reconduits à la frontière...

 Mais ici comme ailleurs, on n'apprend pas vite... Je ne peux que vous conseiller de voir ce reportage car, bien qu'un peu tendancieux selon moi, il a le mérite de donner (un peu) la parole à quelques-uns de ceux à qui ce pont va nuire... S'il ouvre un jour. On en parlait déjà à la télévision en 2004 et 2005, et l'inauguration en était initialement prévue pour 2010. Encore faudrait-il construire les postes-frontière et, côté Brésil, terminer les quelques centaines de kilomètres de route manquante...

Quant à l'autre reportage, il fait l'apologie d'une politique répressive contre l'orpaillage clandestin (encore les Brésiliens !) complètement inefficace puisque, pour la dizaine de tonnes d'or « blanchi » chaque année à Oïapoque (oui, oui, là où se trouve le pont sur l'Oyapock !), dix kilos (non, je ne me trompe pas...) ont été saisis sur deux ans. CQFD.

Harpie, mon oeil !

Nous ne manquerons pas de noter au passage que :

- nos jeunes recrues, de la gendarmerie ou autre, s'offusquent de trouver un congélateur abandonné par les garimpeiros, polluant un site qu'ils ont incendié auparavant, mais qu'ils se réjouissent de détruire des compresseurs et des moteurs de pompes qu'ils laisseront... sur place, bien sûr. Voir le sourire satisfait de l'un d'eux qui lève ses deux pouces en l'air, visiblement très fier de lui.

- les "métros" représentent 80% de la clientèle des prostituées Brésiliennes ayant transité par Oiapoque et qui travaillent dans les boîtes de nuit et les claques de Cayenne, complets du ventredi au dimanche.

Allons, une petite touche de rigolade dans ces deux reportages effarants : regardez bien l'extrait d'allocution conjointe du président Chirac et du président Brésilien Dos Santos en 2003, lorsqu'ils rendent public leur projet de pont entre les deux pays. Admirez l'effort de Dos Santos qui tente de garder un visage impassible lorsque Chirac annonce publiquement qu'il est « heureux d'accueillir le président du Mexique » ! Cela vaut son pesant d'or !... Euh... enfin, son pesant de ce que vous voulez.

Photo Jérôme Valette

Reportage à suivre, sur France Ô :

Guyane, le dernier eldorado

Lundi 10 septembre, 01h40

jeudi 13 septembre, 0h30

Si c'est trop tard, enregistrez-le !

 



07/09/2012
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