Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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IL AVAIT 28 ANS...

15/02/2017

 

Nouveau suicide d'un jeune Amérindien

Sources : Le Kotidien, France-Guyane, Asso Chercheurs d'Autres...

 

 

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Dans la nuit de samedi à dimanche, Carlos Opoya, 28 ans, s'est suicidé dans son village de Taluwen, sur le Haut-Maroni. Il s'est pendu chez son père. Il était le neveu de Taluwen Opoya, le capitaine du village décédé le 30 janvier.

 

Nous ne continuerons pas, ici, de tenir un compte des passages à l'acte réussis des jeunes Amérindiens de Guyane, ce qui serait indécent et ne ferait qu'ajouter à la douleur des familles touchées par ces drames. Il nous faut rappeler tout de même que le taux de suicide des jeunes chez les populations autochtones de Guyane est 20 fois supérieur à celui de la métropole.

Il me faut rappeler également que de multiples missions parlementaires ont été mandatées d'établir des diagnostics et de proposer des actions à mener, la dernière en date étant celle menée par Aline Archimbaud, Sénatrice de Seine-Saint-Denis, et Marie-Anne Chapdelaine, députée d’Ille-et-Villaine, en 2015 (consultez le rapport : Suicide-des-jeunes-am--rindiens-rapport-parlementaire-2.pdf).

Durant les discussions sur la loi Égalité réelle Outre-mer (Érom), il a été envisagé d'inclure un article stipulant que « le gouvernement remet au parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur la création d'un observatoire régional du suicide en Guyane ». 

Cet article a été voté par les sénateurs, ce qui avait réjoui Aline Archimbaud, co-auteur du rapport.

Cet article a finalement été supprimé en commission mixte paritaire. « L'argument, explique la députée Chantal Berthelot, c'est qu'il n'y a pas besoin d'une loi pour mettre en place un tel observatoire, qui se penchera sur le problème auprès de toutes les populations. Il existe déjà de tels observatoires régionaux dans l'Hexagone. » Ce sera donc notamment à l'Agence régionale de santé (ARS) d'initier un tel outil.

Pour parler franc, la vraie raison est que la République refuse de prendre en compte les spécificités des populations selon des caractéristiques ethnologiques ou anthropologiques, au nom de la sacro-sainte égalité... En forçant un peu le trait, l'on devrait peut-être considérer sur le même plan les pulsions suicidaires rencontrées par les cadres de Télécom, les chômeurs de la métropole lilloise (au hasard) et les Indiens de la grande forêt amazonienne... Dites, cela ne serait pas un peu inique ? (NdTémoin).

Rappelons encore un fait : ces dernières années, la majorité des suicides recensés chez les populations autochtones de Guyane concernaient des individus, garçons et filles confondus, âgés de 9 à 39 ans ! 

Il est temps pour nous, à présent, de méditer sur cette déclaration, d'une lucidité effrayante, du jeune Carlos au cours de ces derniers mois :

 

« Si nos ancêtres revenaient ici aujourd’hui, je suppose qu’ils penseraient s’être trompés de village ou bien que les Amérindiens ont déjà disparu. Car tout a tellement changé en si peu de temps. Mais s'ils revenaient j'aimerais les écouter nous raconter notre histoire, parce que nous avons oublié tant de choses.
L'école a bouleversé notre vie. Comme tous les enfants de mon village, je suis parti à 11 ans pour aller en ville et ainsi pouvoir continuer mes études au collège, puis au lycée et enfin passer mon CAP en menuiserie. Et pendant toutes ces années, je n'ai pas suffisamment appris les savoirs des Amérindiens, Je ne sais pas bien chasser et je ne vais jamais seul en forêt parce que j'ai peur de m’y perdre, Pour la pêche je me débrouille mais je ne suis pas très bon non plus, Quant à l'artisanat je ne16684307_578430495687543_3996147295131565575_n.jpg sais rien faire, Je n’arrive même pas à élaborer un katouri ! J'essaie d'apprendre mais avec l'âge ça a du mal à rentrer dans ma tête. Cela me rend triste aujourd'hui car je n'ai pas non plus les moyens économiques de payer quelqu'un pour faire toutes ces choses à ma place ou d'acheter ce que j'aurais pu faire moi-même.

Finalement Je pense que j'aurais préféré vivre l'ancienne vie, celle de mes parents, c’était plus facile pour nous. Avant, tout ce dont on avait besoin était là, à portée de main, dans la nature, nous n'avions pas besoin de beaucoup d'argent pour vivre. Mais nous, les jeunes, on s'est habitué à tout acheter et du coup on ne sait plus rien faire, Le système économique a changé sauf qu'on ne comprend pas bien comment il fonctionne, Cette situation est très mal vécue par une majorité de jeunes car elle a créé beaucoup de frustrations et de malaises.

Ils veulent tout, tout de suite. Ils se disent fiers d’être amérindiens mais ils rêvent d'être comme les Blancs et posséder les mêmes choses qu'eux sans pour autant vouloir travailler dur pour les obtenir. Beaucoup de parents pensent aujourd’hui que l’école n’a servi qu’à rendre fainéants leurs enfants car ils ne veulent même plus les aider à l'abattis quand ils reviennent au village. D'autres, en revanche, poussent leurs enfants à étudier pour qu'un jour ils puissent les aider financièrement.

Dans quelques années, quand les jeunes diront qu'ils sont amérindiens, cela ne voudra plus rien dire, parce qu'ils ne sauront rien de notre passé, de nos ancêtres, de notre culture… »

 

 

Nous ne pouvons ici que nous associer au deuil et, si nous le pouvons, à la douleur de la famille de Carlos.

Trouve la paix, Petit Frère...         



15/02/2017
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