LES ENJEUX DE LA FRANCOPHONIE
01/12/2014
Pas seulement linguistiques, mais
pas seulement économiques, non plus.
Le Sénégal vient d'accueillir le quinzième Sommet de la francophonie qui a vu l'élection à sa tête de Madame Michaëlle Jean. Canadienne, elle est la première femme et la première non-Africaine en succèdant à Monsieur Abdou Diouf. il est opportun à présent de s’interroger sur l’importance de la Francophonie et son devenir.
Certains articles dans la presse m'ont fâché...
Tout d'abord, celui-ci, paru dans Jeune Afrique, écrit par un monsieur qui crache dans l'assiette dans laquelle il a mangé quand il était jeune. Avant de poursuivre, cliquez ici pour lire cela, c'est édifiant. Comme je ne vais pas me faire des amis, je me contente de vous donner le lien, pour ne pas être en délicatesse avec le © et autres « judiciarités », sans reproduire l'article in extenso. Je signale en passant que l'espace donné par Jeune Afrique à ses lecteurs pour réagir est limité à 400 signes, environ 5 lignes de texte, ce qui ne laisse guère de possibilité de réaction argumentée.
Monsieur Magaye Gaye crache dans son assiette de soupe française. Lui, tout comme Ndeye Arame Gaye, son analyste financière, ont fait leurs études en France, respectivement à l'Université Rennes 1 et Nancy 2. L'article de ce monsieur, « la francophonie, un idéal voué à l'échec » n'est que l'apologie d'un modèle économique dominant et d'une uniformisation culturelle. Je m'explique.
De quel idéal parle-t-il ? Sur l'inefficacité du modèle pot-colonial français, ses constats peuvent sembler incontestables. La mise sous tutelle par le Trésor français d'une moitié de la réserve en devises me révolte également, tout comme lui. Pour autant, que Monsieur Senghor ait choisi de vivre, après avoir quitté le pouvoir, dans un pays dont il aimait la culture serait-il plus honteux que le fait de vendre la terre de son pays aux grandes entreprises chinoises ou indiennes ? C'est pourtant le fait de certains dirigeants de pays d'Afrique de l'Est, ayant l'anglais comme langue officielle, et dont Monsieur Gaye se fait le dévoué porte-parole.
« De notre point de vue, l’anglais deviendra la seule langue officielle de communication internationale », dit-il plus loin. Et d'expliquer que, dans le subconscient de beaucoup de jeunes, l'anglais passe pour « une langue moderne, à la mode, porteuse des valeurs de progrès, d'avenir », en illustrant cette haute pensée par « le rôle important que l’arabe est appelé à jouer à la faveur du retour des valeurs religieuses, et une mondialisation multipolaire qui voit l’émergence des puissances comme le Brésil, la Russie, l’Inde, tous arrimés à l’anglais ». Et encore : « Tout pays désireux de jouer un rôle important dans les relations internationales doit adopter l’anglais comme langue officielle ». Voilà qui est direct. Après les diktats post-coloniaux, voici le retour à l'envoyeur. Je bondis sur ma chaise. Monsieur Gaye n'a sûrement pas réfléchi sur la pensée de Claude Hagège (Contre la pensée unique, éd. Odile Jacob, 2012) : « la langue du puissant contre la langue du faible, la langue de l'occupant contre celle de l'occupé, celle du colon contre celle du colonisé, etc. Une langue est un mode de pensée. Elle se défend ». Mais il paraît évident que l'auteur de cet article (qui me terrifie en même temps qu'il me révolte) préfère côtoyer les dominants que regarder vers les plus pauvres, même s'ils sont ses frères.
Et si l'on y regardait de plus près du côté de ces pays « porteurs de valeurs de progrès et d'avenir » ? Je ne sache pas que la Chine, le Brésil, l'Inde, ni en Afrique le Ghana, le Nigéria ou le Kenya soient des modèles sociaux. La santé économique se fait là au détriment des plus démunis.
Oui, l'Afrique doit trouver son propre souffle et sa fierté. Il existe fort heureusement des modèles tout à fait encourageants. Il n'est que de regarder comment le Rwanda, malgré la souffrance de son peuple, vingt années après l'horreur, se reconstruit. Là, on fait le choix de l'éducation, obligatoirement génératrice et porteuse de dynamisme et de progrès, plutôt que de la vente des terres aux consortiums étrangers. Car c'est plutôt là, dans ce dévoiement commercial, qu'un idéal est voué à l'échec : dans l'assimilation à un modèle économique dominant qui n'est pas celui de l'Afrique, qui épuisera ses ressources et son sol, et la mettra à genoux, affamant toujours plus ses populations.
Allons, Monsieur Gaye, un peu d'ambition pour votre continent, s'il vous plaît.
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