Lire : CARTES POSTALES, Chantal T. Spitz
12/12/2015
Quatre ans après la sortie de son dernier livre, l'auteure polynésienne publie un recueil de sept nouvelles chez l'éditeur Au Vent des Îles qui plongent le lecteur dans la découverte de l'envers du décor tahitien. Derrière les Cartes postales : des espoirs déçus, des amours perdus et des gueules cassées. La vraie vie…
Entrer dans ces Cartes Postales de Chantal, c'est « comme soulever un voile de mariée et découvrir derrière le tulle immaculé le visage fatigué d'une vieille femme, ridée et usée par le poids des ans. Regarder les yeux dans les yeux ce que l'on veut nous taire, c'est sans doute le fil conducteur de l'auteure au travers de ces sept courtes histoires ». Ces tranches de vie (et de mort aussi) ne peuvent pas laisser le lecteur indifférent.
Pas de chapitres, pas de virgules, pas de points, une mise en page des textes qui impose son rythme, que le lecteur n'a pas le choix de suivre ou pas. En fait, c'est un coup de poing dans le plexus.
Le vocabulaire est riche et précis, la rhétorique implacable et la poésie au détour de chaque phrase. L'auteure pétrit et modèle la syntaxe comme pour approcher au plus près d'un réel à exprimer dans une langue peut-être moins adaptée que sa langue maternelle. Contrairement à ses autres ouvrages où elle mêle sa voix, son encre à celle de ses personnages, Cartes Postales s'attache plus à restituer avec le souci de la justesse les misères sociales et intellectuelles accouchées d'une société colonialiste multi-culturelle où l'absence de reconnaissance aboutit à la désespérance.
On y croise les pauvres hères de tous les jours : une pute et son mac, une mère de famille trop fertile qui troque son dernier enfant contre un frigo américain, une femme trompée, une autre battue, un mari cogneur. Des gens que l'on croise tous les jours dans les rues de Papeete mais dont on ne veut rien savoir, dont on veut ignorer l'existence pour ne garder que les couleurs vives des cartes postales. « Moi c'est avec ces gens-là que je vis au quotidien et je voulais parler d'eux. J'aime bien les gens un peu cabossés, ils sont plus intéressants que ceux qui ont tout et réussissent », explique Chantal Spitz.
Alors, oui, ces cartes postales sont d'une grande rudesse, allant même jusqu'au glauque, jusqu'au trash : on y pratique le sexe mais pas l'amour, on y vit au jour le jour. Au fil des pages, le paradis tahitien se transforme en enfer : une rencontre avec l’au-delà. La perte d’un enfant. L’adoption coutumière dévoyée. La prostitution à Pape’ete. Tragédies individuelles et maux de société sont entrelacés dans ce recueil dédié à celles et ceux qui souffrent à Tahiti, en silence, et aux moments de la vie où tout peut basculer.
Le grain de sel du Témoin : j'ai commandé ce livre parce que je suis maso. Cette littérature me fait mal à cause de mon impuissance à soulager ces personnes, que Chantal Spitz nous présente, me blesse profondément. Vanité. Mais je découvre un vaste champ de similitudes entre certains de ses combats et certains des miens.
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édité par « Au Vent des îles », collection Littératures du Pacifique
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