PARCE QUE MIGRER N'EST NI UN CRIME, NI UNE CROISIÈRE
24/09/2018
Parce que la haine ne peut être une culture,
encore moins un projet de société.
Warsan Shire est africaine, somalienne, femme et noire.
Elle est née au Kenya de parents somaliens et arrive en Grande-Bretagne à l'âge d'un an. Elle est diplômée d'un Bachelor of Arts in Creative Writing. En 2015, elle réside à Londres. En 2011, elle publie Teaching My Mother How To Give Birth (apprendre à ma mère à faire naître), un pamphlet de poésie édité par Flipped eye. Elle est traduite en italien, espagnol, portugais, sudéois, danois, estonien...
En 2013, elle reçoit le prix African Poetry Prize de l'Université Brunel de Londres.
Je ne puis résister au désir de vous faire partager ce poème qui date déjà de quelques années mais dont la pertinence reste tragiquement actuelle…
Personne ne quitte sa maison à moins
Que sa maison soit devenue la gueule d’un requin
Tu ne cours vers la frontière
Que lorsque toute la ville court également
Avec tes voisins qui courent plus vite que toi
Le garçon avec qui tu es allée à l’école
Qui t’a embrassée, éblouie, une fois derrière la vieille usine
Porte une arme plus grande que son corps
Tu pars de chez toi
Quand ta maison ne te permet plus de rester.
Du feu sous tes pieds
Du sang chaud dans ton ventre
C’est quelque chose que tu n’aurais jamais pensé faire
Jusqu’à ce que la lame ne soit
Sur ton cou
Et même alors tu portes encore l’hymne national
Dans ta voix
Quand tu déchires ton passeport dans les toilettes d’un aéroport
En sanglotant à chaque bouchée de papier
Pour bien comprendre que tu ne reviendras jamais en arrière
Il faut que tu comprennes
Que personne ne pousse ses enfants sur un bateau
À moins que l’eau soit plus sûre que la terre-ferme
Personne ne se brûle le bout des doigts
Sous des trains
Entre des wagons
Personne ne passe des jours et des nuits dans l’estomac d’un camion
En se nourrissant de papier-journal à moins que les kilomètres parcourus
Soient plus qu’un voyage
Personne ne rampe sous un grillage
Personne ne veut être battu
Pris en pitié
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ou la prison
Parce que la prison est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et qu’un maton
Dans la nuit
Vaut mieux que toute une cargaison
D’hommes qui ressemblent à ton père
Personne ne le supporterait
Personne n’a la peau assez tannée
Rentrez chez vous
Les noirs
Les réfugiés
Les sales immigrés
Les demandeurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays
Ils sentent bizarre
Sauvages
Ils ont fait n’importe quoi chez eux et maintenant
Ils veulent faire pareil ici
Comment les mots
Les sales regards
Peuvent te glisser sur le dos
Peut-être parce leur souffle est plus doux
Qu’un membre arraché
Ou parce que ces mots sont plus tendres
Que quatorze hommes entre
Tes jambes
Ou ces insultes sont plus faciles
À digérer
Qu’un os
Que ton corps d’enfant
En miettes
Je veux rentrer chez moi
Mais ma maison est comme la gueule d’un requin
Ma maison, c’est le baril d’un pistolet
Et personne ne quitte sa maison
À moins que ta maison ne te chasse vers le rivage
À moins que ta maison ne dise
À tes jambes de courir plus vite
De laisser tes habits derrière toi
De ramper à travers le désert
de traverser les océans
Noyé
Sauvé
Avoir faim
Mendier
Oublier sa fierté
Ta survie est plus importante
Personne ne quitte sa maison, jusqu’à ce que ta maison soit cette petite voix
Dans ton oreille
Qui te dit
Pars
Pars d’ici tout de suite
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Ce sera plus sûr qu’ici
Une de mes amies, écrivaine, Danèle-Adeline Lony, a été tout comme moi séduite par ce beau poème, poignant, tourmenté, plein de détresse mais il est aussi vrai que ce que la nature humaine peut comprendre et entendre. Oui, bien sûr, l'exode, la migration... Même les animaux entreprennent cette longue marche, cette longue traversée lorsqu'il ne se sentent plus en sécurité à l'endroit où ils vivent !
C'est donc bien au dessus de l'Humain de se sauver lorsque l'on est en danger ainsi que les siens. Le problème dans tout ce désastre humain, c'est que les grandes puissances vendent les guerres à qui veut les faire pour enrichir les fabricants d'armes. Ces évadés des terres hostiles à leur bien être se retrouvent bien souvent au bord des périphériques, des forêts, aux abords des ports et dorment dehors tout le long de l'année avec au fond du ventre la peur des lendemains. Ces situations, qui ne devraient être que provisoires, perdurent hélas. Ces enfants sur le bord de nos autoroutes et dans nos villes, que deviendront-ils plus tard ? Auront-ils la haine envers les pays qui ne leur offrent que le droit de mendier ? Que pensent-ils de nous quand nous passons près d'eux aux feux tricolores, dans nos belles voitures et que nous les ignorons de nos regards blasés ?
Nos attitudes d'aujourd'hui construisent les enfants de ces migrants qui seront les adultes de demain. Réfléchissons un peu… Nous ne leur donnons que la possibilité d'être pauvres et de vivre de la mendicité ou bien de se faire happer par des réseaux qui profiteront de leur détresse pour en faire des domestiques pour des particuliers sans scrupules, des employés clandestins précaires, voire pour les jeter sur les trottoirs. Nous prenons un énorme risque : ils risquent de devenir les nouveaux délinquants de demain si l'on ne fait rien pour arrêter ces guerres et ces exactions honteuses voulues par quelques-uns sur la planète.
CONCERT en l'église SAINT-GERMAIN DES PRÉS, Paris
Vendredi 28 septembre à 20h45
« Des Poilus et veuves d'antan aux migrants d'aujourd'hui »
Philippe Balloy, baryton
Jean-Michel Dayez, piano
Ce programme sera redonné à Cahors, en L'Église Saint-Barthélémy
le 11 novembre 2018 en matinée.
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