SAINT-LAURENT DU MARONI, UNE PORTE OUVERTE SUR LE FLEUVE
Clémence Léobal
Une ville marronne en mutation
Saint-Laurent du Maroni, ville frontière, a perdu en 1949 son statut de commune pénitentiaire. Elle est aujourd'hui classée ville d'art et d'histoire. Ses premiers habitants étaient Amérindiens, et le lieu s'appelait Kamalaguli.
Solan, son nom en mawinatongo, est la seule ville majoritairement habitée par les populations marronnes, ces descendants d'esclaves africains qui ont fui vers les berges du Maroni pour se libérer du joug des esclavagistes. Et pourtant Saint-Laurent a longtemps été délaissée par les populations du fleuve préférant les rives surinamaises plus sécuritaires à l'époque. Mais, suite à la guerre civile du Suriname (1986-1992), beaucoup de leurs descendants finissent par s'installer du côté français. Malgré le refus de la France de leur accorder le statut de réfugiés de peur qu'ils s'installent définitivement, notre système social est jugé plus avantageux que celui de l'ancienne Guyane néerlandaise (devenu le Suriname en 1975) et beaucoup vont faire souche de toute façon. Il est à l'époque difficile de prouver sa nationalité française, la notion de frontière étant chez ces populations très subjective. Les modalités de recensement sont modifiées par la loi dite du 27 février 2001, dite loi de démocratie de proximité. Des quartiers comme la Charbonnière sont créés, de nouveaux villages amérindiens s?implantent dans l'ouest. Le fleuve Maroni en est le dénominateur commun.
Interrogeant les Gan gan Créoles mais aussi les anciens Amérindiens et Marrons, l'auteure de ce livre fait un bel état des lieux, se posant en droit-fil du superbe travail mené par Michèle Baj-Strobel, Les gens de l'or, publié chez le même édteur, un ouvrage qui rappelle que beaucoup de créoles guyanais sont descendants de ces antillais (Martinique, Guadeloupe, Sainte-Lucie) qui ont fui la misère de leurs îles respectives pour émigrer en Guyane, attirés par l'or qui s'y trouvait ? un rappel bienvenu à une époque où le rejet de l'Autre, maintenant le Surinamais ou le Brésilien, est posé en règle quasi institutionnalisée.
Clémence Léobal pose les grandes problématiques à venir pour une ville qui a connu les transformations les plus spectaculaires ces dernières décennies, avec un taux d'accroissement démographique de plus de 5% actuellement. Actuellement première ville Marronne de Guyane, tous les démographes s'accordent à déclarer quelle sera d'ici 5 à 8 ans la première du département de par l'importance de sa population. Les enjeux sont de taille.
Un superbe travail !
Clémence Léobal, diplômée de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, est actuellement doctorante en sociologie à l'université Paris-Descartes. De 2009 à 2011, elle a consacré deux ans au Volontariat civil à l'aide technique au service patrimoine de la mairie de Saint-Laurent-du-Maroni, deux années qu'elle a consacrées à l'élaboration de cet ouvrage. Elle poursuit désormais ses recherches en thèse de doctorat sur les politiques du logement dans l'Ouest guyanais.
Saint-Laurent du Maroni,
Une porte ouverte sur le fleuve
Clémence Léobal, éd. Ibis Rouge, 2013
ISBN 978-2-84450-434-0
25 euros
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