Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

23/02/2014

O vos omnes qui transitis per viam

Attendite, et videte si est dolor

Sicut dolor meus !

Tenebræ factæ sunt...

Le verset des « Repons du Vendredi Saint », Tenebræ factæ sunt (les ténèbres vinrent), harmonisé par Carlo Gesualdo (fin du XVI^ème, début XVII^ème siècle) transcende la douleur. L'ensemble A Sei Voci l'interprète une tierce plus bas qu'écrit dans les partitions modernes, ce qui renforce l'impact des fréquences basses contre le plexus. Et cela correspond sans doute plus au caractère du compositeur qui, tout au long du cycle des Repons, jouera l'antagonisme entre les parties de superius et le bassus. Lui-même était doué, dit-on, d'une très belle voix grave et aimait à tenir cette partie lors des « répétitions » qu'il organisait dans ses appartements, parfois pendant des nuits entières.

Tenebræ factæ sunt...

Nous avons perdu Jean-Claude. Lui aussi avait une voix grave, qu'il utilisait seulement pour célébrer l'amitié, son amour pour sa compagne de toujours et pour sa lignée, étant en ce domaine le digne fils d'une mère juive. Il savait instiller dans nos humeurs la joie du Vivre, comme on sème avec assurance des graines qui germeront de toute façon, quelle que soit la qualité de la terre.

Tenebræ factæ sunt...

Nul compositeur n'a su, comme Gesualdo, exprimer la douleur et le tourment de l'âme. Ni le supplice lancinant d'une douleur indicible.

Tenebræ factæ sunt...

Je l'écoute en boucle. La musique se répand en mon âme, elle s'y déverse sans retenue, et occupe la place que laissent libre les larmes qui inondent à présent mon visage. L'amaritudo est emporté avec elles. Elle cède peu à peu la place au soulagement de pouvoir pleurer mon ami.