Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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DE MANAUS À BELEM SUR L'AMAZONE (2)

23/08/2013

Cinq jours et quatre nuits sur le Fleuve-roi

 

Qui n'a pas fréquenté l'Amazone passe à côté de son rêve.

 

Nous avons quitté Manaus vers 21 heures, pour un départ programmé pour 16h30. Il est vrai que les seules exclamations entendues n'ont pas été des récriminations (ça ne vous dit rien ? les actualités dans l'Hexagone, 20 mn de retard du train : « Y'en a marre, ils nous prennent en otages, c'est plus possible... » etc. etc.), mais uniquement les vivats lorsque le Nello Correa a daigné s'ébranler. Adeus, Manaus !

 

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Nuit de sommeil, non pas totalement noire, mais blanche un peu, tout de même. Le ronronnement des machines, un peu de roulis, oh... à peine, juste suffisant pour bercer tout un chacun... sauf, peut-être, ceux qui n'ont pu installer leur hamac que sur le pont supérieur. Vous savez, dominos frappeurs, vidéo vulgaire et bière joyeuse, toute la nuit...

 

Un petit matin, s'étirant tel le fleuve, émerge de la brume scintillante qui mouille un peu. La langueur de ceux qui n'ont pas dormi, ou pas bien, appelle les confidences, en attendant le «café da manha».

 

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Celui-ci rentre dans sa famille pour un congé court après cinq mois de chantier en amont. Celui-là, apprenant que je suis français, me raconte qu'il a vécu en Guyane. Ah, bon, mais où ? À Dorlin, justement. Ah!... Puis il me parle du boulot, dans la boue jusqu'à la taille toute la journée à manoeuvrer sa lance Monitor, des fuites en forêt pour échapper aux forces de l'ordre françaises, « mais on marchait mieux qu'eux dans la forêt (sourire) » ; du matériel, transporté à dos d'homme, des luttes avec une bande rivale qui voulait leur prendre le placer... Il me parle de « ses palu », des crises qui l'empêchaient deux jours durant de se mettre debout... S'il a gagné de l'argent ? Oui, parfois. S'il est rentré riche au Brésil ? Non. Tout était dépensé au fur et à mesure... une bouteille de tafia ? 3 grammes. Un coup avec une des femmes amenées là pour ça : 3 grammes. Une nuit entière ? Trop cher... Puis, quand il a voulu partir, au bout de dix ans, on ne lui a pas rendu ses papiers mais pris son argent.

Il ne parle pas Français, je bafouille quelques mots de Portugais, nous nous comprenons. D'autres, plus tard au cours du voyage, essaieront l'anglais... Je refuse la langue globalisée. Un jour, l'ami brésilien qui ne m'as pas dit ton nom, tu seras dans un de mes livres...

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La journée s'étire, de rencontre en rencontre, de conversation en conversation, de sourire (toujours) en sourire... Nous sommes bien, là, comme si notre vie était brusquement mise entre parenthèses et qu'il n'y avait plus rien à faire qu'attendre, et regarder, entendre, humer le monde et le trouver beau.

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 Parfois le navio se rapproche de la rive et nous laisse entr'apercevoir une habitation ou la barque d'un pêcheur qui semble venir d'un autre monde, parallèle au nôtre, tant il ne se détourne même pas de ce qui l'occupe, même lorsque les vagues de notre sillage viennent le secouer quelque peu...

 

 

Seul élément interrupteur de la journée : le grain que voici...

 

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La venue du soir nous surprit en nous offrant en cadeau une explosion de couleurs dont nous ne pouvions avoir idée ; le format des images qui suivent permettent difficilement d'accéder au niveau d'enthousiasme qui nous saisit à ce moment là...

 

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Nous entamons ce soir le demi-bœuf que nous avons vu charger à bord la veille : avec des haricots rouges et du riz, ce sera notre ordinaire désormais pour chaque repas (excepté quand même le café da manha). Puis un dernière bière, la dernière cigarette fumée depuis la rambarde du bateau, le vent dans les yeux et les cheveux, et dodo... Mais pas pour très longtemps.

 

Nous serons à diverses reprises réveillés par l'arrêt des machines. Nous découvrirons que nous nous sommes arrêtés en pleine forêt, un petit quai entouré de trois ou quatre maisons, d'un bar et d'une église. Des gars déchargent et chargent des marchandises, le plus souvent des noix du Brésil... Il commence à y en avoir quelques tonnes à bord...

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Chacune de nos nuits sera ainsi ponctuée de deux ou trois arrêts dans des lieux tout aussi improbables que celui-ci... Boa noite !

à suivre...

 Toutes les images du voyage, intégralement, dans l'album-photos

 



23/08/2013
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