ÉTUDE D'OPPORTUNITÉ POUR LA MISE EN PLACE D'UN SECOND BARRAGE EN GUYANE (1)
29/03/2015
Source : Guyane-écologie/Roger Gaillou
À quel jeu dangereux joue donc la majorité Guyane 73 de la collectivité régionale en choisissant pour cette étude d'opportunité la société Tractebel Engineering, spécialiste dans les domaines de l'énergie et des grandes infrastructures, et entité opérationnelle filière de la multinationale GDF-SUEZ ?
Tout monde sait que le président de Région ne jure que par la construction d'un deuxième barrage, condition nécessaire à l'installation d'une multinationale de l'industrie aurifère dans la région de Mana. Ce projet, dixit le préfet de Guyane, créera à lui seul plus de 2000 emplois. Donc exit le potentiel des énergies renouvelables tout aussi créateur l'emplois et ayant lui une attractivité spatiale et temporelle.
C'est l'exemple même de la vision à court terme répondant à la nécessité d'une croissance économique mondiale pour les grands groupes mais qui ne structure aucunement le développement local et dont les retombées fiscales nous échappent.
Pourtant Antoine Karam, sénateur de la Guyane, lors de la présentation du 27 mars 2015, à la presse de son premier bilan de ses six mois au Sénat, a « rappelé à la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, que 35% de la population guyanaise n'étaient toujours pas connecté au réseau électrique et que sa priorité était de se concentrer sur les énergies renouvelables ».
Le grain de sel du Témoin : Rappelons cependant que le barrage de Petit-Saut, dont le bilan énergétique est contestable au vu des coûts occasionnés et du déficit environnemental, est entré en service en 1994/1995 alors que Monsieur Karam était lui-même président de région depuis 1992. Il était sans doute encore temps, non pas d'arrêter ce projet dont les travaux avaient débuté deux ans auparavant, mais de l'ajuster pour en faire une infrastructure mise au meilleur service de la population. Quoi qu'on nous en dise, la vocation de ce barrage était bien d'alimenter la base de Kourou en électricité et en eau de refroidissement pour le décollage des fusées. Lire à ce sujet Un Témoin en Guyane, éd. L'Harmattan, 2012, pp. 24 à 26.
GDF-SUEZ et EDF sont bien loin de notre réalité de développement durable de la Guyane, leur seule préoccupation est de susciter puis de capter les marchés de construction de grand projet à travers le monde, quels que soient leurs intérêts sur le long terme, leur coûts faramineux et leurs impacts sur la biodiversité.
Le terrain guyanais leur est favorable, les intentions politiques de la Région sont une aubaine pour capter des millions d'euros.
Quand ces mêmes experts sont retenus par la commission d'appel d'offre (CAO) pour mener l'étude puis ensuite la mise en ouvrage, nous pouvons nous interroger sur la pertinence et l'impartialité d'un tel choix choix.
Pourquoi les cinq autres concurrents sont-ils écartés ? La réponse de la Région est la suivante :
« [...] J'ai le regret de vous informer que votre proposition n'a pas été retenue car le montant de votre offre est supérieur à celui de l'offre de l'entreprise retenue; L'offre retenue est celle de l'entreprise Tractebel Engineering pour un montant de 313 471€. je vous remercie néanmoins pour votre participation... »
Bien évidemment les cinq autres candidats sont bien au-dessus de l'enveloppe de Tractebel. Il semble bien qu'il s'agisse d'une stratégie bien réglée (sic). Ce prix est anormalement bas et surprenant au regard de la prestation qu'il y a à réaliser, pour laquelle un budget initial de 2 M€ avait été prévu... Mais c'est moins surprenant si l'on prend en compte que Tractebel fait partie du groupe GDF-SUEZ et que les enjeux liés à la construction d'un barrage, de son exploitation et de la vente d'énergie sont importants pour le groupe et cette étude leur permet d'avoir la main sur la suite du projet... Ce qui peut justifier ce prix anormalement bas et la prise d'un contrat à perte au début.
Le grain de sel du Témoin : n'est-on pas ici, en plus du conflit d'intérêts, au bord du délit d'initiés ?
La construction d'un deuxième barrage ne pourra sans doute répondre qu'en partie à la demande énergétique sur le littoral, alors... la sortie de l'isolement énergétique des communes de l'intérieur sera-t-elle d'actualité ? L'on peut en douter alors que la production de Petit-saut avait dû être considérablement revue à la baisse par rapport au projet prévisionnel.
Les besoins énergétiques de la Guyane, au vue de sa démographie et de son développement, sont d'enjeu stratégique et il appartient à toutes les parties prenantes, politiques, collectivités, consommateurs, énergéticiens, Etat, de travailler en toute transparence dans l'intérêts de la Guyane et ses générations futures.
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