08/12/2014
Mystère archéologique, merveille agronomique : Terra Preta !
Cette « Terre Noire » d’une richesse agronomique incomparable s’étend sur les rives des fleuves du système hydraulique amazonien sur des surfaces considérables. Cette Terra Preta garde encore une bonne part de son mystère, car en plus de sa richesse agronomique elle est capable de se régénérer elle-même.
Qu’est que la « terre noire d’Amazonie », terra preta ?
La terre noire (terra preta en portugais) est un sol d’origine humaine d’une fertilité exceptionnelle due à des concentrations particulièrement élevées en charbon de bois ainsi que d’autres matières organiques et nutriments tels que phosphore, potassium et calcium. Il contient aussi une quantité remarquable de tessons de poterie, et l’activité micro-organique y est des plus développées. De plus il possède l’étonnante particularité de se régénérer. C’est à dire de s’auto-créer, ce qui en fait une pure merveille agronomique. Ces sols ont été créés par l’homme il y a de 7000 à 500 ans. Leur profondeur peut descendre jusqu’à 2 mètres. On trouve ce sol principalement en Amazonie. On estime que ces terres occupent une surface considérable, qui selon certaine estimation pourrait aller jusqu’à deux fois la surface de la Grande-Bretagne. Leur distribution s’étend principalement le long des voies d’eau. On connaît également des sites de terra preta dans d’autres régions en Amérique du Sud, en Equateur, Guyane, Afrique de l’Ouest, et dans certaines savanes d’Afrique du Sud. On trouve la terra preta sur des surfaces allant de 20 hectares à plus de 350 hectares. On la trouve dans des situations climatiques, géologiques et topographiques variées. Il faut noter que les sols d’Amazonie, généralement pauvres et lessivés, n’auraient pas pu subvenir aux besoins alimentaires de populations denses.
Histoire et Archéologie :
La civilisation de l’« Eldorado ». Au XVIe siècle Francisco de Orellana remonte jusqu’aux sources du fleuve Amazone. À son retour l’expédition parle d’une région à l’agriculture riche et sophistiquée, à haute densité démographique, où la population habite aussi bien des fermes isolées que de grands villages entourés de hauts murs. Ses chroniques décrivent des villages disposant de vastes réseaux commerciaux, dirigés par des chefs de grand prestige. La légende naît d’un « pays de l’Eldorado ». Mais les expéditions suivantes ne trouveront plus que quelques tribus isolées de chasseurs-cueilleurs, principalement nomades, et une organisation sociale et politique presque aussi limitée que l’agriculture. Il est établi que, dès le XVIIe siècle, les espagnols dispersèrent les communautés indigènes en une écrasante répression de guerre et d’esclavage.
Pour mémoire : le génocide espagnol en Amérique du sud et dans les îles Caraïbes est sans doute l’un des plus grands génocides de tous les temps. Cinquante ans après que Christophe Colomb ait mis les pieds à Saint Domingue, il ne restait déjà plus un seul natif vivant sur l’île. De plus outre les mauvais traitements, les maladies apportées par les européens produisirent des hécatombes considérables parmi ces populations.
On trouve peu de traces de cette ancienne et brillante civilisation de l’Eldorado. Des découvertes archéologiques récentes mettent en évidence sur des sites précis de larges vestiges de réseaux d’avenues, de canaux et de groupements d’habitations. Des études linguistiques, et des études portant sur la qualité des céramiques semblent montrer que cette civilisation se serait étendue depuis les Caraïbes jusqu’au sud du Brésil. On pense que le centre de cette civilisation serait la confluence des rivières Amazone, Rio Negro et Madeira. Le seul legs que nous aura laissés cette civilisation amazonienne est la terra preta. En effet il ne subsiste plus aucune trace architecturale du fait que pour cette civilisation la pierre n’existait pas. Selon Denevan, la région abritait « l’une des populations les plus denses et une culture parmi les plus élaborées en Amazonie ». Cette civilisation aurait appliqué une pratique d’entretien du sol destinée à transformer un sol jaune argileux de productivité biologique limitée, en l’un des sols les plus riches de la planète. Pour le géographe Robert Langstroth, « le Llanos de Mojos représente l’un des paysages préhistoriques les plus extraordinaires de la planète. La question est de savoir dans quelle mesure celui-ci est d’origine humaine et à quel point la partie humaine a affecté la nature ».
Composition de la Terra Pretra.
La Terra Preta est un sol, qui a un taux de carbone très élevé (plus de 13-14 % de matière organique). Sa composition présente des variantes importantes. Par exemple les jardins attenants aux habitations recevaient plus de nutriments que les champs plus éloignés. La terra preta a la capacité d’accroître son propre volume. C’est à dire de se régénérer en permanence. Il s’agit d’un mystère.Les processus responsables de la formation des sols de terra preta sont :- L’incorporation de charbon de bois- L’incorporation de matières organiques et de nutriments- Le rôle des micro-organismes et des animaux du sol
- Incorporation de charbon de bois.
Du carbone a été ajouté aux sols pauvres, sous forme de charbon de bois fabriqué à basse température et en quantité d’oxygène limitée (à l’aide de feux étouffés). On compte jusqu’à 9% de carbone noir (contre 0.5% pour les sols environnants). Ce charbon de bois a la caractéristique étonnante de présenter les mêmes caractéristiques (porosité) que du charbon de bois frais. La porosité du charbon de bois amène une plus grande rétention de matières organiques, d’eau et de nutriments organiques. Nous retiendrons de ce paragraphe que le charbon de bois broyé est un excellent amendement pour le sol, car il favorise et maintient la présence de matière organique et d’eau.
- Outre le charbon de bois, on a trouvé la dans la terra preta les éléments suivants :
- des excréments humains et animaux (riches en phosphore et en azote ),- des rebuts tels que os de mammifères, arêtes de poisson, carapaces de tortues (riches en phosphore et en calcium),- des résidus de cendres de combustions incomplètes (riches en potassium, phosphore, calcium, magnésium et charbon),- de la biomasse de plantes terrestres (par exemple du compost),- de la biomasse de plantes aquatiques (par exemple des algues).-une quantité remarquable de tessons de poterie.
- Le rôle des micro-organismes et des animaux du sol :
Il est à noter que les recherches sur ce sujet sont toujours en cours. Les microbes et champignons vivent et meurent à l’intérieur de ce substrat poreux, augmentant ainsi sa quantité de carbone. Le ver de terre Pontoscolex corethrurus, largement présent dans toute l’Amazonie, notamment dans les clairières, est capable d’incorporer des particules de charbon de bois au sol minéral et de les broyer finement. Il semble bien que ce vers de terre soit à l’origine de la formation biologique des Terra Preta. Les agronomes de cette ancienne civilisation disposaient le charbon de bois en une mince couche régulière favorable à son enfouissement par ce ver de terre.
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Compte tenu de ce qui vient d'être écrit, il ne vous reste plus qu'à faire de votre compost la formule 1 de la fécondité : incorporation de charbon de bois broyé, de débris de poteries, tuiles, briques, sans oublier l'usage des toilettes au fond du jardin et l'incorporation à votre compost de ce que vous y aurez recueilli. Pensez à broyer les os de votre dinde de Noël (seulement si elle était bio !) et surtout, surtout, n'écrasez plus vos lombrics et autres vers de terre !