LE SURINAME, UN POINT D’ÉTAPE
29/08/2023
Pas un point d’arrêt, espérons…
Depuis un siècle, l'économie du Suriname est dominée par l'industrie minière qui représente plus d'un tiers du PIB et des revenus du gouvernement. Mais il y a un problème : c’est un secteur d'activité sujet à une grande volatilité des prix. Les perspectives économiques de courtes durées dépendent de la capacité du gouvernement à contrôler l'inflation et du développement de projets dans tous les secteurs miniers comme l'alumine, la bauxite et l'or.
Quid alors d'une pseudo-capacité du gouvernement lorsque c’est une entreprise globalisée qui est aux commandes ?
Cette industrie, dans un contexte de mondialisation et alors que certains secteurs sont déjà confrontés à une ressource qui se raréfie, doit répondre à des demandes multiples et parfois contradictoires : en tout premier lieu, une demande de profit à court terme, de la part des actionnaires et des marchés ; en second lieu, une demande croissante de matière de la part notamment des industriels du secteur de l'énergie (charbon, pétrole…) et du BTP aussi.
Regardons le Suriname dans son environnement socio-politique. La question se pose alors de percevoir ce qu’est devenu ou ce qu’est en train de devenir la population surinamaise. Sommes-nous en présence d’un peuple au sens premier du terme ou bien d’une mosaïque socio-ethnique, un peu au regard de ce que nous voyons en Guyane française ? Ce que nous y voyons n’est plus un peuple, ou alors un peuple détruit. Cette diversité ethnique et une indépendance tardive ont entravé le développement d’une cohésion nationale. Cette absence de sens national a été la source d’une grande période d’instabilité pour le jeune État : en 1980, cinq ans après une indépendance pourtant bien négociée survenait un coup d’État militaire fomenté par de jeunes officiers de l’armée en 1980, dirigés par le lieutenant-colonel Desiré (dit Desi) Bouterse. Les années de troubles qui s’ensuivirent donnèrent lieu à des menaces d’interventions militaires de la part des États-Unis et du Brésil, préoccupés
par l’orientation tiers-mondiste et « non alignée » du jeune État et son rapprochement avec Cuba, la Grenade et la Libye du colonel Kadhafi alors que ces deux géants américains, l’un du Nord, l’autre du Sud, le considéraient comme inclus dans leur zone d’influence. En 1986 éclatait une guerre civile à caractère ethnique, opposant les Noirs marrons de l’Est du pays, dits Jungle Commandos dirigés par Ronnie Brunswijk, ancien allié de Bouterse, à l’armée issue de la majorité créole du littoral.
Un massacre commis par l’armée surinamienne à Moywana dans l’Est du pays en 1986 provoqua la fuite de dix à quinze mille Businenge vers la Guyane, impliquant la France dans ce conflit en apparence lointain. Des accords de paix furent signés à Kourou en 1989, mais la guerre ne cessa réellement qu’avec le retour de la démocratie en 1991, avec la démission de Desi Bouterse.
Une nation… une nation surinamaise, tel était le projet du gouvernement post-émancipation[1]. Un certain nombre de maladresses politiques ont empêché ce dessein de voir le jour, notamment les tentatives vaines de salarier à tout prix les Businenge en les maintenant dans des emplois de bûcherons ou de conducteurs de pirogues pour le transport au service de grandes compagnies, l’erreur la plus flagrante ayant été la mise en eau du
barrage de Brokopondo pour lequel il a fallu noyer un certain nombre de villages djuka et saamaka tout en gérant de manière catastrophique le déplacement des populations dont les lieux de vie avaient dû être engloutis. Les décisions prises tout d'abord par le gouvernement
colonial néerlandais, puis après 1975 par le pouvoir créole du littoral, furent ressenties comme autant de discriminations à l’endroit des Businenge, les empêchant de croire à un projet national dont les arrêtés leur échappaient complètement.
Pour ces raisons et d’autres encore, les quelques cinq cent soixante mille Surinamais sont dans l’impossibilité de faire peuple, principalement parce que la plupart (deux cent cinquante mille Marrons n’en n’a plus le désir, si jamais ils l’ont eu un jour. Seule une langue commune pourrait apporter un peu d’unité à ce qu’il faut bien nommer « mosaïque démographique ». Cependant la persistance du néerlandais comme langue officielle face au Sranantongo (également enseigné dans les écoles depuis 1985) l’en empêche.
[1] Emancipatie : mot néerlandais pour désigner l’abolition de l’esclavage en 1863 dans la colonie surinamaise.
La composition du pouvoir montre bien cette division du pays en deux blocs : l’Hindoustani Chan Santokhi a été élu Président de la République par l’Assemblée nationale le 16 juillet 2020 et Ronnie Brunswijk (ancien chef des Jungle Commandos) vice-président.
Pour mener ce combat, Ronnie Brunswijk possède deux pierres de soutènement pour mener sa politique. La première sera de lutter contre les Églises qui ont été et restent les instruments de la colonisation. La seconde est beaucoup plus pernicieuse et s’appuie sur la cocaïne qui serait, selon lui, la clé de la réussite. Le Suriname est sur la « route de la coke », bien placé pour l’intercepter pour ensuite jouer les intermédiaires. Le principe est élémentaire : on n’y touche pas mais on s’en sert pour affaiblir l’occident colonial.
Dès lors, Il y a tout lieu de penser que d’ici à la prochaine élection en 2024, nous allons assister à une guerre des dominants : Afro-descendants vs Coolies.
OKwadjani
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