PALUDISME : LA FRANCE DANS LE COLIMATEUR DE L'OMS
25/10/2013
Quand l'appareil législatif bloque le progrès
L'Organisation mondiale de la Santé reproche à la France son incapacité à lutter efficacement contre le paludisme en Guyane, où la législation empêche toute action de soin et de prévention sur les sites d'orpaillage, et partant dans l'intérieur (90% du territoire !). Donc, indirectement, de favoriser l'augmentation des résistances du virus au médicament (l'artémisinine, une substance active médicamenteuse extraite d'une plante chinoise). Soit le traitement le plus efficace, à cette heure, contre le paludisme.
Quelques dates :
En 2002 l'actuelle ministre de la Justice interpellait le ministre de la Santé à l'Assemblée nationale sur la question du paludisme. Elle soulignait alors la recrudescence des cas recensés en Guyane et réclamait la mise en place de mesures efficaces pour lutter contre le développement de la maladie.
En 2011 l'OMS s'est publiquement inquiétée du renforcement des résistances au traitement. Un plan d'action a été publié afin de permettre à chaque pays directement touché par le paludisme d'agir efficacement. Un dispositif qui a permis de lutter contre la perte d'efficacité progressive de l'artémisinine. Sauf en Guyane. Principalement en raison des foyers infectieux situés en forêt. En l'occurrence, les sites d'orpaillage, principalement.
Rien ne change... Pourquoi ?
En Guyane, les résistances augmentent, menaçant les pays voisins. Les chiffres ne le montrent pas car un tiers de la population reste invisible : les chercheurs d'or, notamment ceux qui travaillent dans l'illégalité. Au Suriname, un programme a été mis en place et les orpailleurs sont formés au diagnostic et apprennent à se soigner efficacement. Pourtant, en novembre 2012, les résistances avaient augmenté de 31 % du côté de la frontière avec la Guyane.
... à cause de la Guyane ?
Il est ici impossible d'appliquer un tel programme à cause de la législation française interdisant à des non-professionnels de diagnostiquer ou traiter. Pire encore, la loi Huriet-Serusclat interdit la recherche médicale sur les patients sans assurance-santé. Donc pas de prise de sang, pas de diagnostic et pas d'évaluation des résistances chez les orpailleurs. Il y a bien la loi Jardé qui aurait pu assouplir le système mais elle n'est toujours pas appliquée.
La France, peu impliquée
Difficile d'imaginer que la France, un pays « avancé », est un terreau propice au développement du paludisme de demain. Pour Mathieu Nacher, auteur d'une étude publiée en 2013 dans Malaria Journal, « le combat contre le paludisme risque d'échouer si la Guyane continue d'appliquer les lois nationales ». Finalement, c'est face à une France peu concernée que l'OMS organise une réunion fin octobre pour mettre en ?uvre des recommandations en Guyane.
Croisons les regards...
« On est face à un vrai problème, affirme le docteur Mathieu Nacher, dermatologue et vénérologue au centre hospitalier Andrée-Rosemon, à Cayenne. En Amazonie, on a des indicateurs qui montrent que des résistances sont apparues. Mais on manque de données. On n'est pas loin du seuil où il faudrait faire des études complémentaires ». Ce qui s'avère impossible sur les sites clandestins. En Guyane, on recense environ 15 000 orpailleurs clandestins. En effet, la loi dite Hurlet-Serusclat interdit toute recherche médicale sur les patients qui ne disposent pas d'une assurance santé. Donc ni prise de sang, ni diagnostic. « Pourtant, les recettes, on les connaît, on sait ce qu'il faut faire » , assure le médecin, qui évoque principalement la méthode appliquée au Suriname, le « bon élève » de la classe.
Illégal !
Dès 2012, le gouvernement surinamais a mis en place un programme baptisé «Looking for gold, finding malaria » (Chercher de l'or, trouver le paludisme). « Des volontaires sont formés par des professionnels de santé pour intervenir sur les sites, explique le docteur Nacher. On leur apprend à diagnostiquer et à doser le traitement. C'est ce qu'il faudrait faire en Guyane. Si le système de santé ne dispose pas des moyens pour intervenir, il faut déléguer. Mais en France, ce n'est pas légal ». Car, lorsqu'un non-professionnel administre un traitement médical, il s'agit tout simplement d'un exercice illégal de la médecine.
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