SITUATION SANITAIRE OUTRE-MER : LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES
14/06/2014
la Guyane : un des quatre territoires ultramarins les plus délicats
Un « pacte-territoire santé » à améliorer
« Quelles que puissent être les organisations politiques et administratives, il appartient en dernier ressort à l’État d’être l’ultime garant [de la santé dans les outre-mer] et de veiller à ce que soit assurée l’égalité de chacun dans le domaine de la santé » ont établi les magistrats de la Cour des comptes qui ont rendu public jeudi leur dernier rapport consacré aux situations sanitaires outre-mer.
Leurs préconisations et commentaires n’étonneront personne, mais légitimisent les revendications de la société civile et d’élus de voir la « République » assumer pleinement sa « responsabilité » face aux « problématiques sanitaires d’une nature et d’une ampleur souvent particulières » outre-Hexagone, et qui concernent 2,7 millions d’habitants (4% de la population française). Le rapport rejoint aussi la dernière évaluation sévère dressée par la Haute autorité de Santé en début d’année, qui recalait provisoirement le Centre hospitalier de Cayenne au motif qu’il « n’a[vait] pas atteint un niveau de solidité qu’on était en droit d’attendre d’un établissement de santé ».
Le « pacte-territoire santé » à améliorer
« Un an après son lancement, je constate que la mobilisation de tous autour de ce pacte [« pacte territoire-santé » engagé par le gouvernement en décembre 2012] est bien au rendez-vous (…) une dynamique est engagée et doit se poursuivre » assurait le 24 avril 2014 Marisol Touraine, la ministre de la Santé, en réponse écrite au sénateur Antoinette qui l’interpellait au sujet des moyens mis en place par le gouvernement pour un rattrapage sanitaire effectif en Guyane. La dynamique est engagée mais elle doit être moins pusillanime considère la Cour des compte qui place la Guyane parmi les quatre territoires ultramarins les plus délicats, aux côtés de Mayotte, de St-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna. Globalement, aux « dissymétries institutionnelles », la haute instance s’inquiète dans son rapport du 12 juin 2014 de l’ « extrême diversité des risques outre-mer [qui] constitue un défi pour la cohérence de l’action publique dans le domaine de la santé publique ».
Le constat de la Cour n’est pas des plus flatteurs, pour cette République une et indivisible : « les systèmes de santé apparaissent à la peine, au risque de compromettre l’égalité des chances. La prévention, partout inscrite comme une priorité, est confrontée à des difficultés d’organisation et de moyens. La médecine ambulatoire joue un rôle essentiel, mais elle est hétérogène et déséquilibrée par rapport à l’offre hospitalière ».
Pour une approche plus fine et décentralisée
Le précédent gouvernement est aussi fautif : « il apparaît nécessaire de définir et de mettre en œuvre sans tarder une stratégie publique plus efficiente que celle qu’a tenté d’esquisser le « plan santé outre-mer » lancé en juillet 2009 » pointent les magistrats qui préconisent « une approche plus fine et plus décentralisée nécessaire à la mobilisation des acteurs politiques, économiques et sociaux de la santé outre-mer dans leur diversité ».
Les conclusions de la Cour font suite à une « enquête menée sur place, avec l’expertise de deux médecins spécialistes en santé publique, en Martinique, Guadeloupe, Guyane, à La Réunion et à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ». Pour asseoir ses constats, la Cour s’est également basée sur l’indice de développement humain. « En termes de rattrapage, de 1990 à 2010, la progression de cet indice de développement humain outre-mer a été supérieure (0,71 % de croissance annuelle moyenne) à celle de la métropole (0,64 %), ce qui confirme l’ampleur des efforts financiers consentis par l’État, mais des écarts très nets de croissance annuelle apparaissent » notent les magistrats. La Guadeloupe figure en tête, suivie de la Martinique, de la Nouvelle-Calédonie et de la Guyane (0,69 %/an).
La Guyane et Mayotte se retrouvent souvent comparées. Elles sont tous deux considérés comme souffrant d’une situation sanitaire « la moins favorable, eu égard notamment au double défi auquel elles se trouvent confrontées : un système de santé moins développé et une population, souvent en situation irrégulière, plus vulnérable qu’ailleurs ».
Santé infantile et maternelle
De 2000 à 2012, la mortalité infantile en Guyane reste toujours trois fois plus élevée qu’en France. En revanche, l’enquête nationale périnatale 2010 a identifié en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion des évolutions favorables : niveau d’études et taux de couverture sociale des femmes en progression, taux de césariennes en forte baisse. « Toutefois, la situation sociale et l’emploi se détériorant, la surveillance prénatale demeure insuffisante chez 18 % des femmes, les hospitalisations pendant la grossesse augmentent ainsi que les cas des prématurés ».
Paludisme
Le paludisme a touché 3 344 personnes en 2009, 900 en 2012. Si la chute du nombre de patients est nette, les autorités se disent « inqui[ets] » de « l’émergence probable de cas de paludisme résistant à l’artémisine, médicament antipaludéen le plus fréquent, en Amazonie dans des zones isolées où résident des chercheurs d’or (les orpailleurs) et où la démoustication est difficile ». L’État doit en effet tenir compte des facteurs contraignants que représentent les distances à parcourir, l’isolement de certaines zones, les risques climatiques et cycloniques, la pauvreté de certaines populations. La Guyane et Mayotte en particulier sont de surcroît exposées à une constante immigration de ressortissants de pays voisins dont l’état de santé est parfois déficient, ce qui affecte profondément les structures de santé de ces territoires.
Le cas de la Guyane
La drépanocytose, le diabète et ses maladies associées, le VIH-Sida, le mercure, les pesticides sont cités comme des points à prendre particulièrement en charge en Guyane. Sur le cas des pesticides, la Cour note qu’« en dépit de premières études préoccupantes, la cellule interrégionale d’épidémiologie n’a guère été mobilisée pour les recherches en matière de pesticides, malgré des demandes en ce sens, notamment en Guyane ».
Petit rayon de soleil dans ce triste tableau : « on meurt – selon les statistiques – moins du cancer dans les DOM qu’en métropole : 22,6 % des décès (2 365/an en moyenne 2005-2010) contre 28,4 % en moyenne nationale » (Peut-être parce qu'on y meurt plus jeune... NdTémoin).
Pour les magistrats, la situation sanitaire en Guyane est consécutive à ’immigration non contrôlée [population qui présente un état de santé « très dégradé »], aux défaillances de la mise en place de l’aide médicale d’Etat, dont la franchise a été supprimée en 2012 [l'AME concerne 20 000 bénéficiaires en Guyane et finance notamment près de 20 % des recettes hospitalières], à la vétusté et à la forte activité de deux centres hospitaliers (Cayenne et Saint-Laurent) chahutés par la démographie (d'après ces beaux messieurs, donc, si le palu progresse, ce n'est pas parce que l'accès aux soins est insuffisant et inadapté dans les deux seuls hôpitaux d'un territoire grand comme le Portugal, mais parce que d'affreux orpailleurs brésiliens apportent avec eux leurs moustiques qu'ils libèrent chez nous, au plus profond de nos forêts ! NdTémoini).
Je vous renvoie ici, à propos de la vétusté et de la qualité d'accueil de « nos » deux centres hospitaliers, à l'article que je vous livrai sur ce même blog, le 24 janvier dernier : IL VAUT MIEUX ÊTRE EN BONNE SANTÉ...
A découvrir aussi
- PALUDISME : LA FRANCE DANS LE COLIMATEUR DE L'OMS
- FETI DENGUE - COMBATTRE LA DENGUE
- GUYANE : DEUX PARLEMENTAIRES SONT CHARGÉES D'UN RAPPORT SUR LES SUICIDES
Retour aux articles de la catégorie Santé publique et communautaire -
⨯
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 92 autres membres