DE MANAUS À BELEM SUR L'AMAZONE (6)
03/09/2013
Cinq jours et quatre nuits sur le Fleuve-roi
Qui n'a pas fréquenté l'Amazone passe à côté de son rêve
Ce n'est pas sans un peu de vague à l'âme que nous entendons les habituels « Bom dia, café da manha, café da manha, bom dia, bom dia ! » de Domingo, ce matin, dernier de ceux que nous aurons passé à bord.
Le paysage a changé. Hier, c'était ça...
Ce matin, c'est plutôt comme çà :
Nous touchons donc la zone estuarienne, plus concentrée en population que les nombreux bras du fleuve en amont. L'ïle de Marajo est grande comme la Suisse, ou comme la Belgique et les Pays-Bas réunis et occupe la partie centrale de l'embouchure de l'Amazonie...
L'on dit parfois que, dans la forêt, dès qu'une cabane se construit, une église ou un temple pousse à côté...
Il faut bien admettre que les missionnaires catholiques, jésuites, ont bien fait leur « job » pendant 350 ans. Mais de nos jours, ce sont les protestants, adventistes et autres, qui convertissent les catholiques... Et ne parlons pas de toutes les sectes (pentecôtistes, témoins de jehovah et autres) qui fondent sur les caboclos comme misère sur le pauvre monde...
Les missionnaires modernes auraient-ils des enjeux différents de ceux qui accompagnaient la colonisation ? Mais ceci est un autre débat.
Nous tombons tous bizarrement dans une drôle de torpeur, due sans doute à cette vie improbable vécue pendant ces quelques jours passés ensemble. Une espèce de microcosme en mosaïque dont chaque pièce serait composée de quelques personnes, liant connaissance pour se tourner ensuite vers d'autres... des familles se défaisant et se recomposant à l'infini. Bientôt chacun ou chacune retournera à sa vie d'avant.
Les conversations se font plus confidentielles, plus feutrées, comme si chaque parole désormais prononcée devenait précieuse, unique...
Même les enfants, à bord, semblent mélancoliques...
Il ne nous reste bientôt plus qu'à contempler le paysage se déroulant de part et d'autre du Nello Correa, imperturbablement.
Nous aurons tout de même quelques étranges surprises, telles que ce bateau croisé, presque le jumeau du nôtre. Ou bien ce train de péniches, impressionnant, non ?
Quant à ce jeune homme, que penser de lui ?
Il présente pour moi tous les caractères à la fois que l'on peut rencontrer chez les Brésiliens, tout particulièrement ceux de l'Amazonas et du Nordeste. Ce qui me frappe tout d'abord chez ce garoto, c'est la douceur que son visage envoie. Poussant un peu plus loin l'observation de cette image (le dévisager en direct eut été sans doute malvenu, peut-être mal pris, je l'ai simplement photographié), c'est l'ambiguïté qui en émane qui surprend : on y voit peut-être de la tristesse, si l'on veut... ou plutôt de la nostalgie... et voilà que visage caché de la Saudade apparaît sur fond de selva brésilienne. Mais la douceur du visage est aussi tempérée par la noirceur du regard, ces yeux noirs, pretos, dans lesquels on peut lire la défiance aussi bien que l'invite sensuelle...
Vers quelle vie te dirigeais-tu, Menino ?
Mais déjà c'est le dernier virage de notre bateau, derrière cette pointe que la forêt semble pousser déjà Belem la Belle apparaît timidement, ne se livrant pas tout à fait. Mais le Nello Correa avance toujours, comme le mâle sûr de son fait vers la ville qui d'ici semble encore endormie, dans une brume blanche qui lui fait un drap, dérisoire protection.
Enfin elle se dévoile et se révèle toute...
Fini l'engourdissement des idées, finies les voix tamisées... Chacun s'est paré, préparé, les polos neufs aux couleurs encore vives sont arborés, tout comme les lunettes de soleil, élégantes, qui font partie de la panoplie de celui ou de celle qui retrouve les siens après des semaines ou des mois d'absence. Les lunettes noires brillant au soleil sont le signe de l'aisance que l'on doit à cette absence qui n'était donc pas vaine...
Les sacs sont bouclés, les hamacs restent tendus jusqu'au dernier moment, on attend l'arrivée plus sereinement que de raison.
« Adeus, adeus ! » et c'est l'éclatement sans sommation de l'atome qu'était devenue notre fluviale société. Et l'on se quitte, chacun ayant reçu des adresses, des numéros de téléphone que l'on appellera... peut-être, si on ne les oublie pas au fond d'une poche...
J'entends la voix de Cesaria Evora qui, de très loin, me fredonne à l'oreille :
« Saudade, saudade... ».
Toutes les images du voyage, intégralement, dans l'album-photos
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