EN GUYANE, MONTAGNE D'OR : LA CATASTROPHE À GRANDE ÉCHELLE
14/07/2016
Deuxième publication : 13/04/2017
Extraction minière : partout dans le monde,
ce sont des violations des droits humains
et la pollution massive de régions entières
Source : https://sites.google.com/site/maiourinature/
Porté par le canadien Columbus Gold et le russe Nordgold, le projet de la montagne d'Or est le premier projet minier industriel qui pourrait voir le jour en Guyane. Soutenu par de nombreux élus, il est pointé du doigt par les organisations environnementales.
Explications.
Les constats... mais on les connaît !
La Guyane est la seule partie de l'Europe à posséder une forêt tropicale primaire à la biodiversité d'une richesse incomparable, qui reste, encore en partie, à découvrir et exige d'être protégée. Autoriser un complexe minier de l'envergure envisagée dans une vallée séparant deux Réserves biologiques intégrales (de Lucifer à Dekou-dekou) est une aberration écologique.
Depuis bientôt 10 ans, dans le monde entier, tant par des scientifiques (document en espagnol, NdTémoin), des journalistes (excellent reportage sur le fonctionnement de l'ancienne mine d'arsenic de Salsigne, dans l'Aude, NdTémoin) ou des associations, sont constatés l'impact mortifère et les dégâts irréversibles de l'extractivisme minier, une exploitation qui n'a jamais développé les pays dans lesquels il s'est implanté.
Même le Pape, dans son Encyclique sur la Sauvegarde de la maison commune, s'exprime sur les limites du capitalisme : « Nous constatons que souvent les entreprises qui agissent ainsi sont des multinationales, qui font ici ce qu’on ne leur permet pas dans des pays développés ou du dénommé premier monde. Généralement, en cessant leurs activités et en se retirant, elles laissent de grands passifs humains et environnementaux tels que le chômage, des populations sans vie, l’épuisement de certaines réserves naturelles, la déforestation, l’appauvrissement de l’agriculture et de l’élevage local, des cratères, des coteaux triturés, des fleuves contaminés et quelques œuvres sociales qu’on ne peut plus maintenir ».
Les acteurs du projet
Le titre minier de la Montagne d’or situé à 120 km de St-Laurent-du-Maroni, est détenu par la multinationale canadienne, junior (1), Colombus Gold. La production serait gérée par une autre multinationale, dite Major (1) NordGold d'origine et à capitaux russes, dont le siège est à Moscou, mais qui est... opportunément immatriculée aux Pays-Bas. Elle exploite des mines d’or, dans un premier temps uniquement en Russie, puis elle a étendu ses activités au Kazakhstan, en Guinée, au Burkina Faso et au Canada. Nordgold est cotée à la Bourse de Londres depuis 2012. Au Burkina Faso, elle possède la mine de Bissa et une autre mine à Taparko.
Les agissements de cette société russe a fait l'objet d'une enquête puis d'un rapport, à l'initiative de deux ONG (catholiques) basées en Suisse, qui dénoncent régulièrement les exactions de l’industrie aurifère dans le monde. Dans un rapport de février 2016, l’une d’elles présente, en détail, le cas de deux mines du Burkina Faso, dont l’une est la propriété d’IAMGOLD (tristement célèbre en Guyane, NdTémoin) et l’autre, de NORDGOLD. Le bilan est sans appel : ces mines sont le théâtre de violations des droits humains et de dommages sur les milieux naturels. « L’or ne brille pas pour tout le monde de la même manière. Dans beaucoup d’endroits, l’exploitation aurifère détruit les bases de l’existence de populations, porte atteinte aux droits humains ». En conclusion, l’ONG déclare : « Les sociétés minières présentes au Burkina Faso, en l’occurrence Iamgold, Nordgold et Amara Mining, ont une grande responsabilité dans les violations des droits humains que nous avons exposés».
Pour rappel, Iamgold célèbre pour son projet avorté de mine d'or à ciel ouvert sur la montagne de Kaw (Guyane), possède encore des centaines d'hectares de concessions minières en Guyane, qu'elle espère bien exploiter.
(1) Actuellement, dans le secteur minier international privé, il est important de distinguer deux grands types de sociétés :
- les sociétés d'exploitation que l'on appelle les majors,
- les sociétés d'exploration, que l'on appelle les juniors.
Les entreprises juniors sont en général de taille très modeste. La plupart d'entre elles n’ont pas plus d’une dizaine d’employés. Enregistrées sur les marchés boursiers hautement permissifs, elles ne tirent des bénéfices que de la spéculation et financent leurs campagnes d’exploration en levant des fonds (des capitaux à risque) sur ces marchés boursiers (…) Les juniors se consacrent exclusivement à l’exploration et à la prospection minière (...) alors que leurs actionnaires spéculent et génèrent des gains considérables grâce aux seules effets d’annonces dans les médias, et à la volatilité intrinsèque des prix des actions dans le secteur.
Les majors sont au contraire de grandes entreprises établies. Elles disposent d’un capital boursier important, exercent une influence politique et économique considérables sur les autorités politiques nationales, et, sont capables de mobiliser les fonds et les moyens humains et technologiques pour mettre en œuvre l’exploitation minière.
Ce qu’il va se passer :
À force de dynamitage et raclage par des engins de chantiers gigantesques, on va extraire puis broyer la roche dans des concasseurs très énergivores. Le contenu fera ensuite l’objet d’un complexe processus de cyanuration (cyanure et bien d’autres produits chimiques) afin de récupérer 1,50 gr, au mieux, du métal jaune, par tonne de roches. Chaque tonne de roche broyée, déduction faite de son infime teneur en or, devient alors « stérile » pour l’industriel mais surtout des déchets miniers pour les citoyens guyanais.
Ces masses seront alors stockées, ad vitam æternam, aux abords de la mine, sur des centaines d’hectares.
De cette fosse qui à terme, s’étendra sur 2,5 km de long, 500 m de large et plus de 400 m de profondeur, c’est plus de 450 millions de tonnes de roches qui seront extraites et réduites en poudre. Ce broyat monumental de roche contient des éléments chimiques qui sont naturellement associés aux filons d’or, à savoir des teneurs en métaux lourds, potentiellement du cadmium, plomb, antimoine, arsenic et mercure naturel.
Ces composants chimiques, inoffensifs tant qu’ils sont dans les entrailles du sol, deviennent de puissants toxiques pour l'écosystème et l'Homme, une fois rendus solubles lors du processus industriel. Imaginez le devenir de ces terrils de déchets miniers, de 10 m de haut, répandus sur des centaines d’hectares, dès qu’ils seront lessivés par les pluies de nos contrées. Il se produira ce qu’on appelle le « drainage minier acide » (DMA) qui contaminera tout d’abord le chevelu hydrographique du secteur (criques et fleuves) qui parviendra, à terme, sur nos côtes, nos terres agricoles, avant de finir dans nos assiettes, à l'instar des mines de métropole.
Endiguements : de la poudre aux yeux à court terme !
Les industriels prétendent que les déchets miniers seront retenus par des digues sur le long terme, quelque soit l’importance des saisons des pluies. Or, l'actualité nous informe régulièrement de la destruction accidentelle de ces digues, pour cause de mauvaise construction, de manque d'entretien et/ou par la violence des précipitations en zones tropicales. Rappelons pour l'heure, la rupture de barrages miniers au Brésil, en novembre dernier, qui a provoqué une coulée de boues toxiques sur 800 km. Voir la vidéo ci-dessous.
Notons bien que, même sans accident, la pollution affecte aussi les nappes phréatiques.
Témoignages et constat
« On ne peut pas faire de grosses mines en Guyane, avec les précipitations, on ne va pas arriver à gérer les déchets. Devant les difficultés techniques, l’opérateur va faire des choix et le seul arbitrage qui existe, c’est l’argent », commente de son côté un membre de l’association Ingénieurs sans frontières, qui connaît bien la situation en Guyane pour avoir travaillé dans le secteur minier. Ses craintes s’appuient sur les difficultés déjà rencontrées sur des sites où une exploitation de l’or primaire est déjà en cours, comme à Espérance, Dieu-Merci, Saint-Élie et Yaou.
Un rapport du BRGM de 2012 note que « les parcs à résidus sont souvent sous dimensionnés pour retenir les matériaux boueux issus du processus et on note l’absence de planification dans la conception et l’élaboration de ces ouvrages tout au long du cycle de vie de la mine.
Les risques permanents de submersion obligent les opérateurs miniers à des travaux réguliers de rehaussement des digues pas toujours bien maitrisés ni réalisés dans les règles de l’art (compactage, drainage, évacuateur de crue). »
Propos extrait de l'article de Reporterre du 4 avril 2016
Si les mines rapportent des milliards d’euros à leurs actionnaires, cette valeur exorbitante ne profite pas aux populations impactées par les différentes nuisances, ni à leur pays. L’intérêt général n’a jamais été démontré. Exemple : la Bolivie, nation voisine, occupée depuis des années par un nombre important de transnationales (or, pétrole, diamant) demeure un des pays les plus pauvres d’Amérique du Sud.
Que représente en effet notre ridicule taxe minière (2%), face aux 100 millions d’euros sur fonds publics exigés par la construction d’infrastructures à l’usage exclusif du minier, comme celle d’une centrale électrique, l’installation de lignes à haute tension à travers la jungle, le bitumage sur 63 km et l’entretien onéreux de la futur « Route de Paul Isnard » au service quasi-exclusif des poids lourds de l’industriel …?
Sans compter les coûts engendrés par la mobilisation des différents services de l’Etat, le manque a gagner des défiscalisations et autres avantages financiers, et malheureusement, ceux à prévoir pour les réhabilitations et dépollutions de l’après mine.
Une gabegie d’énergie
La multinationale Nordgold aura un besoin énergétique représentant 20% de la consommation annuelle du département, soit la consommation annuelle de la ville Préfecture Cayenne (25 mgW).
Cette énergie devra faire fonctionner les neuf unités de cyanuration chimique, l’éclairage jour et nuit de ce site, les concasseurs et les broyeurs de roches. Rajoutons à cette gabegie, la consommation en gas-oil des gigantesques pelles mécaniques pour extraire et charger les camions-bennes géants qui alimenteront l’usine en surface.
Une absurdité au regard des émissions de gaz à effets de serre, favorisant le réchauffement climatique, pour extraire, bien souvent moins d'un gramme d’or par tonne de roches broyées.
Scénario 1 : on brûle la forêt
Un premier scénario envisage de construire, sur fonds publics, à l'usage exclusif de cette mine, une centrale électrique à biomasse, approvisionnée en bois issu de notre forêt primaire. Ensuite, il faudra financer, toujours sur fonds publics, la déforestation d’un corridor de 120 km de long pour tirer une ligne haute tension de Saint-Laurent jusqu’à l’usine.
Scénario 2 : on noie nos territoires
Une autre alternative qui va bientôt s'imposer comme une nécessite : un second barrage hydro-électrique ! Déjà annoncé, mais écarté le temps que les recommandations de la COP 21 s'estompent, ce projet sur la Mana prévoit d'ennoyer 100 000 ha de forêts primaires, c'est la perte de millions de grumes valorisables par les 25 métiers de la filière bois, et autant de terres agricoles potentielles englouties à jamais.
Un barrage de ce type répond rarement à une problématique environnementale ou sociétale ; il s’agit en fait de ce que l'on qualifie de « Grands Projets Inutiles et Imposés » (GPII) influencés par les lobbies du BTP et de l’Énergie.
En Guyane, ce barrage n’a qu’un objectif stratégique : viabiliser définitivement l'activité minière dans l'intérieur : Lire le cas similaire de Belo Monte au Brésil !
En termes d’impacts environnementaux, les barrages amazoniens, même s'ils utilisent une ressource renouvelable, demeurent la pire des solutions, une menace pour la planète !
Celui de Petit saut, en Guyane, est un véritable réacteur chimique, entraînant des émissions massives de gaz à effet de serre (GES), essentiellement du méthane. La cause de cette empreinte écologique s'explique par les immenses surfaces de forêt noyées sous les eaux, (la Guyane n’a pas de relief) et surtout de l’énorme biomasse qu'elle recèle (450 tonnes à l'hectare)... qui se transforme en méthane une fois submergée. Pour que les rejets aériens nocifs du barrage deviennent aussi modérés que ceux d'une centrale à fuel, il faudra attendre 72 ans de fonctionnement ! En d’autres termes, après 20 ans de fonctionnement, notre barrage guyanais est toujours 3 à 6 fois plus impactant pour la planète qu’une centrale thermique, même aussi obsolète que celle de Dégrad-des-Cannes, et le restera encore 53 ans...
La durée de vie d'un barrage ? On évoque audacieusement 100 ans pour la métropole mais on sait que sous les climats équatoriaux, les bétons et infrastructures métalliques se détériorent bien plus vite.
L'argumentation politique : l'emploi, les retombées économiques, la démographie
Politiquement, on justifie la destruction d’un si vaste territoire par notre démographie, soit-disant, « galopante » ! On crée l’affolement en annonçant 300 000 habitants en 2034. Imaginons si toutes les nations voulant subvenir aux besoins énergétiques de 300 000 de leurs habitants devaient anéantir 100 000 ha de leur territoire ? Que resterait-il de la Martinique, avec ses 1100 km2 et 400 000 habitants qui serait un immense lac de barrage, De même pour la Guadeloupe... a contrario, on a aussi le cas d’un pays comme le Guyana, peuplé de 800 000 habitants et qui n’a pas cédé aux lobbies de l’énergie ; pourtant ce pays est plus industrialisé que la Guyane.
On manipule l’information pour mettre en place des projets destructeurs pour l'Humanité, avec la complicité de spécialistes peu scrupuleux, pour permettre à une poignée d’investisseurs privés de détruire notre patrimoine naturel. Comme, par exemple, ce Monsieur Jean-Philippe Blava, qui fut directeur d’EDF Guyane (2012-2015). Durant cette période, il a mis beaucoup d'énergie à promouvoir la nécessité d'un second barrage hydro-électrique. Selon la presse locale, il s’est mis en disponibilité début 2016 pour créer une société d’Études de Conseils qui a aussitôt été sélectionnée pour étudier le Plan Pluriannuel de l’Énergie pour la Collectivité Territoriale de Guyane (cela ne s'appellerait pas du lobbying, par hasard ? NdTémoin).
Voici ses propos produits dans Les Echos, sur l’approvisionnement en énergie de la mine : « [C’est] l’un des plus gros enjeux du projet. La question n’est même pas de raccorder au réseau le site situé à 125 kilomètres de la ville la plus proche, il va falloir fabriquer l’électricité. La future mine aura besoin de 20 mégawatts pour fonctionner… autant que la consommation de Cayenne. Une ligne de très haute tension dans la forêt tropicale, on sait faire, ce n’est qu’une question de moyens » (Mais personne ne va arrêter ce fou furieux ? NdTémoin).
L’or est un bien de luxe. Avant d’être stocké dans un coffre-fort à la banque ou d’être transformé en bijoux, il est souvent extrait au prix de violations des droits humains et d’une pollution massive de régions entières.
La COP 21 nous a rappelé la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le projet minier Nordgold est sans aucun doute le plus extravagant en termes de gabegie énergétique et d’une inutilité maximale pour la société guyanaise et plus globalement pour l’Humanité.
Messieurs Macron, Attali et Juppé, nous refusons
de vous suivre dans cette braderie de notre pays,
pour des raisons qui sont pour vous
carriéristes, financières et politicardes.
Nous vous résisterons !
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