LE MONDE SELON CHANTAL ET PIERRE-ALBERT
09/04/2022
« Est de quelque part celui ou celle qui aime fondamentalement ce quelque part(1). Celui ou celle qui aime fondamen-talement son pays colonisé doit participer à la construction d’un pays libre et indépendant ».
Que signifier par indépendance ?
Se pose en tout premier lieu la question du pouvoir.
Qui va exercer le pouvoir dans une Guyane indépendante ? La réponse qui s’impose comme une évidence est celle-ci : ce sont « les élus du peuple », bien sûr. Sont électeurs ceux qui bénéficient de la nationalité française, à condition qu’ils se soient fait inscrire sur les listes électorales. C’est à partir de là que la notion de peuple demande à être correctement identifiée. Tout d’abord numériquement.
La population guyanaise se monte actuellement à 300 000 habitants, à deux ou trois mille près). 30% des résidents sont étrangers ou migrants, ce qui va ramener le nombre d’habitants bénéficiant de la nationalité française à 200 000, à deux ou trois mille près.
Actuellement, 102 510 électeurs sont inscrits en Guyane, ce qui nous amène à un taux de maximale participation possible à un scrutin à 30 à 33% de la population. Il se trouve que, ces dernières années, ce taux se tenait entre 25 et 35% des inscrits, soit entre 25 000 et 35 000 électeurs à quelques centaines près, respectivement 8,5% et 11,75% de la population totale. Pouvons-nous laisser dire que les élus locaux sont des élus du peuple ?
Un événement électoral récent doit cependant venir pondérer cette réserve sur la représentativité des élus guyanais : en 2021, le taux de participation au premier tour des régionales était assez désespérant. Alors qu’entre les deux tours une liste d’union plutôt de gauche s’est formée, près de la moitié des électeurs valides s’est déplacée 46,78%. Cela pourrait-il vouloir dire que lorsque l’enjeu est clair et d’importance, un déplacement populaire est possible.
Selon Pierre-Albert(2), une certaine classe politique aurait intérêt à maintenir la population dans l’ignorance des enjeux, qu’ils soient politiques, économiques et sociaux. Cela dans leur propre intérêt matériel, bien sûr, mais aussi pour des raisons d’ego…
Mais la question à poser dès lors est la suivante : à quoi bon être les premiers d’un peuple agenouillé qui passe son temps à solliciter et quémander, aux pieds de la mère métropole qui décidera seule de prodiguer ou non ses subsides… J’ai en tête l’annonce sans honte d’un ancien président de région qui déclarait avoir « demandé au Président de la République de bien vouloir nous permettre... » etc.
En second lieu se pose la question : qui est guyanais ?
« On n’est pas dans un combat ethnique […] », nous explique Chantal. Ah… tant mieux. J’ai parfois l’impression du contraire lorsque j’entends des Guyanais autoproclamés parler de leurs employés (au noir !) qui sont des Businenge, des employés muni-cipaux qui sont tous des Indiens ou encore des mécaniciens, tous des Coolies… Pour ces gens qui ne sont ni businenge, ni indiens ni coolies et encore moins des Blancs d’origine métro, seuls eux-mêmes méritent la qualité de Guyanais.
Dans le cas d’une Guyane indépendante, qui gouvernerait qui ?
Pierre-Albert tente de nous éclairer : sachant que… qui est guyanais(e) pourra exercer le pouvoir et qui n’est que ressortissant(e) d’un groupe ethnique risquera fort de se le voir confisqué, ce pouvoir.
Et Chantal de surenchérir : « à partir du moment où tu aimes ce pays, tu fais partie de ce pays, tu es un enfant de ce pays, tu as le droit fondamental de rester et de contribuer à ce pays […]. On est dans un pouvoir institutionnel. Pour que le pouvoir [...] puisse revenir dans nos mains, pour construire ensemble ce pays, il faudra bien que l’on réapprenne l’envie de nous ressembler »… et vous permettrez à votre serviteur d’ajouter : nous ressembler dans toutes nos diversités.
OKwadjani
Rendez-vous dans une prochaine chronique pour explorer différences, similitudes et confusions entre les notions d'indépendance et d'autonomie...
(1) Chantal T. Spitz in Opinion publique, les nouvelles de Tahiti, mercredi 29 mai 2005.
(2) Pierre-Albert Murtil in Indépendance pour la Guyane, La pensée Universelle, Paris 1977.
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