LES MALUWANA DE TI’IWAN COUCHILI
30/04/2016
Suite à une superbe exposition à l'Encre, route de Montabo à Cayenne
Ti’iwan Couchili est plasticienne, originaire de Saut-Tampok, un village indien Teko situé dans le sud-ouest guyanais. Sa famille est de double culture, à la fois teko et wayana. C’est donc dans cette double origine qu’elle grandit, entre ces deux communautés, l’une sur le Maroni, l’autre sur l’Oyapock. Son père, Etienne Couchili, décédé en 2005, était chamane et musicien.
Le travail de Ti’iwan, nourri de ces deux identités graphiques, plonge dans les deux répertoires graphiques traditionnels, puis les réinterprète en les plongeant dans la modernité. Elle cherche ainsi à s’émanciper des représentations relatives aux identités amérindiennes des ethnologues, des représentations qui lui semblent, par leur cloisonnement outré, relever d’un « paternalisme persistant ».
« […] dans notre culture, chaque génération hérite d’un patrimoine iconographique qu’elle essaiera à son tour de transmettre. Toutefois, les informations qu’on a retenues ont été tamisées dans les manarés de la mémoire et de la pratique expérimentale… Et c’est le produit de ces processus que nous laisserons à notre tour derrière nous […] » Ti’iwan, 2005
Les motifs sont principalement animaliers, et l’un des principaux est la chenille à deux têtes. Son origine est dans la légende de « l’enfant-qui-ne-marchait-pas » mais qui pouvait se transformer en une énorme chenille terrorisant les villageois. Un chamane raconta plus tard que l’enfant lui avait parlé : pour que je puisse continuer à veiller sur vous, vous me représenterez sur le maluwana du tukusipan ». C’est pourquoi les Wayana dessinent toujours des chenilles sur les ciels de case.
Sans doute est-ce pour l’efficacité de cette protection envers les Wayana que la chenille est représentée avec deux têtes, surveillant ainsi l’avant et l’arrière…
Si, vers le milieu du XVIIIè siècle, dans les relations de missions ou d’expéditions dans la région des Tumuc-Humac, il est déjà fait mention d’animaux peints sur les cloisons des carbets, les premières descriptions de ciels de case datent de la deuxième moitié du XIXè siècle (Crevaux en 1876, Coudreau en 1887). Les Wayana attribuent cependant une origine très ancienne et mythique aux motifs peints qui ornent le maluwana.
Ti’iwan Couchili, d’ailleurs, a initié un cycle de ciels de case illustrant chacun des clans wayanas. En voici quelques-uns :
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Depuis 2010, elle s’écarte parfois de l’espace en bois rond pour explorer d’autres formes ou d’autres matériaux. Voici, à titre d’exemple, une œuvre, première d’un cycle, qu’elle a peinte en hommage à sa grand-mère. Il s’agit d’une juxtaposition de représentations animales, pour chacune desquelles est mentionné le taux de mercure fixé. Et les Hommes se nourrissent de ces espèces…
« Dix ans après son meurtre, j’ai peint une série de tableaux que j’ai tous intitulés IMPRÉGNATION MERCURIELLE en mémoire de ma grand-mère maternelle Mati’in Joséphine, mitraillée en décembre 2000 au fusil d’assaut à Maripasoula par des orpailleurs. Elle avait 75 ans ».
Dans les années 60, les Amérindiens (tout comme les Businenge avec le tembe) découvrent la peinture acrylique. Les œuvres deviennent alors brillantes, avec des couleurs vives.
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Depuis une quinzaine d'années déjà, quelques artistes vont à la recherche de matériaux plus traditionnels utilisés par les Anciens : sables colorés pour Franky Amete avec ses tembe et des argiles pour Ti'iwan Couchili qui cherche patiemment au cœur de la forêt ou sur les berges des criques celles dont elle tirera ses pigments qui viendront décorer ses maluwana.
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