MAWINA TEMBE
02/02/2013
La Collection
Depuis maintenant deux décennies, le Centre Culturel Mamabobi constitue et structure méthodiquement une collection de Tembe peints (Ferfi Tembe), un art visuel de l’Ouest guyanais, héritage plastique des langages symboliques des fugitifs du 18èmesiècle et des métissages à l’œuvre dans les sociétés issues du Marronnage. La collection Ferfi Tembe présente une sélection d’œuvres réalisées entre 1960 et aujourd’hui par les artistes du collectif « Mawina Tembe ». Elle permet de présenter au public les évolutions stylistiques, les ruptures et les continuités d’un art dont l’histoire s’écrit encore à peine, masqué qu’il était par les discours ethnologiques porté par les « regards civilisés sur les arts premiers ».
Hors de tout discours anthropologiquement réducteur, qui assignerait une production artistique à son milieu ethnique ou social d’origine, il s’agit d’inscrire résolument et définitivement le Tembe peint comme un art populaire et non plus comme un art marron ou businenge, donc seulement ethnique. Il est considéré aujourd’hui par la critique internationale comme un « manifeste esthético-philosophique unique dans le monde contemporain ».
« Comme d’autres aspects de la vie des marrons, leurs arts sont perçus par les observateurs comme des traditions immuables, à l’origine importées au Suriname au XVIIème et au XVIIIème siècle par des Africains réduits en esclavage et que leur descendants ont fidèlement conservées intactes et inchangées. [Or il faut] étudier l’art des Marrons dans l’optique de l’histoire de l’art, en tenant compte de la présence de changements stylistiques et techniques, de la créativité individuelle attestée et de la conscience collective de l’évolution chronologique » (Sally Price, Arts Primitifs, regards civilisés, p160-161).
Cette collection est issue d’une collecte systématique auprès des Tembeman de l’Ouest guyanais, combinée à un travail de commande impulsé par un regard de collectionneurs, celui de Gérard Guillemot et d’Antoine Lamoraille. Dans la continuité des propos de Sally Price, on invite les spectateurs à s’arrêter sur plus de 20 ans de création artistique et d’en discerner ainsi les lignes de force et de rupture, les écoles, les styles et techniques propres à chacun des artistes exposés. Le regard du collectionneur restitue les Tembe peints dans une histoire de l’art traversée par des évolutions techniques et stylistiques, l’introduction et l’exploitation d’innovations. Le choix opéré dans la sélection des œuvres apporte ainsi une autre consistance à la connaissance du passé artistique en formalisant la conscience individuelle des changements propres à chaque peintre, insérée désormais dans une chronologie stylistique plus précise. Exposer du Ferfi Tembe s’inscrit ainsi dans un manifeste « esthético-philosophique » que nous évoquions supra et qui entend véhiculer une autre définition du Tembe, en dépit de l’écume et des scories encore portées par certaines analyses émanant d’auteurs qui font autorité auprès de certains cercles du « prêt-à-penser ».
« En constituant de façon créative sur la base de leur passé commun, les premiers Marrons ont synthétisé les principes esthétiques africains, ils ont joué avec les formes artistiques, les ont adaptées et remodelées ont des arts nouveaux bien que organiquement liés à ce passé. Forgés dans une forêt inhospitalière par des individus constamment menacés d’anéantissement, les arts marrons se présentent comme un témoignage durable de la résistance et créativité afro-américaine et de l’exubérance de l’imaginaire artistiques des Marrons qui ont su s’élaborer dans le riche cadre d’idées culturelles africaines.
Source : David Redon/Mama Bobi
Contact : mamabobi@wanadoo.fr
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