POUR DÉCOUVRIR OÙ JE VAIS...
18/10/2022
Nous avons tendance à mettre nos difficultés d’échange et de communication sur le compte des traits culturels que nous prêtons à l’Autre, différent, et que nous attribuons à l’histoire de son groupe d’origine. L’altérité que nous construisons alors chez cet autre n’est-elle plus simplement culturelle, mais ethnique ? N’avons-nous pas tendance à le voir différent du fait de son appartenance ethnique, c’est-à-dire son appartenance à un groupe caractérisé par une origine, commune à tous ses membres, dont découle une culture qui leur est propre ? Peut-on parler d’ethnicisation ?…
En chacun de nous sommeille un être en mouvement qui étouffe entre quatre murs, qui cherche du regard la ligne d’horizon, qui scrute la nuit étoilée, qui veut sentir le vent, le soleil, la pluie, les éléments le pénétrer par tous les pores et en épouser le cycle des mutations. Percevoir... et devenir imperceptible.
En chacun de nous également sommeille un être en recherche qui étouffe dans un carcan de morale, qui cherche des sensations sur sa peau, des goûts à savourer, des bruissements ou des chuchotements à son oreille, des formes-couleurs à admirer et le parfum d’un corps autre à inhaler. Testostérone et œstrogènes… Rien d’ethnique ici... Seulement de l’humain… de l'universel.
Chaque fois que nous faussons nos identités, chaque fois que nous transgressons des frontières, chaque fois que nous nous refusons à l’imprévu de la rencontre, « êtres de fuite » nous devenons des êtres fuyant de toutes parts, et échappant d’abord à ce que nous sommes censés être, en même temps que nous faisons le deuil de notre dignité.
« On m’a volé ma naissance et ma mémoire, et comme tant d’autres, je suis perdu et maudit. Je suis un zombie ».
Non ! Si je me plonge dans le passé, c’est d’abord pour questionner le présent et y déceler la possibilité d’autres futurs que ceux prescrits par l’ordre dominant. Mon passé, en aucun cas, ne peut ni ne doit m’assigner à un destin. Parce que non, les Marrons n’ont jamais été des fuyards, ils n’ont pas fui les plantations ni les habitations, mais ils les ont quittées pour mieux revenir combattre et s’affranchir de ceux qui s’attachaient à les priver de leur humanité.
Chez nous, le Bien et le Mal n’existent pas, en tout cas pas comme l’entend l’Église catholique, et notre pensée ne nous permet pas de juger ce qui est bien ou ce qui est mal, cela étant du ressort des ancêtres. Si nous nous permettions cela, alors nous nous enfermerions dans une pensée dogmatique dommageable pour tous, juges et jugés. Cela ne manquerait pas, non plus, de nuire à la liberté individuelle de l’individu soumis à une morale inculquée, qui n’agirait plus dans ce cas que dans une alternative : échapper à l’enfer en méritant le paradis.
Et c’est bien là où le bât nous blesse. La France, puissance centralisée qui revendique ses territoires ultra-périphériques comme de petits morceaux d’elle-même, se définit comme une nation « de culture judéo-chrétienne ». Nous serions donc tous, nous Autochtones, nous transportés d’Afrique, « de culture judéo-chrétienne » ? Hélas, certains d’entre-nous, cédant au prosélytisme agressif de toutes sectes et pseudo églises qui font flores sur notre continent, arrivent peut-être à s’en persuader, ou bien ils font semblant d’y croire, ou bien ils n’y ont même pas réfléchi… Vous me permettrez bien une petite parenthèse : en regard des pogroms qui ont eu lieu jusqu'à ce début de XXè siècle, de la Shoah dont se ont souvent rendues complices les autorités françaises, sans oublier les affaires dites Dreyfus, Renaud Camus ou Dieudonné, je pense pouvoir recommander l’abandon de la notion d’un pays « de culture judéo-chrétienne »… Chrétienne OK, mais seulement. Je ferme la parenthèse.
Après que nos ancêtres ont été les victimes du plus grand crime contre l’humanité qui se puisse concevoir, Nous prendrions à notre tour le risque de devenir des bourreaux en désignant ce qui, chez notre voisin, est bien ou est mal ? En le jugeant, donc !
Rappelons-nous : nos ancêtres se sont auto-émancipés grâce à des croyances et une bravoure rapportées d’Afrique et emportées avec leur âme, sur de monstrueux navires. Et c’est là l’héritage qu’ils nous ont transmis, cette part d’Africanité qui perdure en nous : un attachement sans faille à notre idée de la liberté, c’est-à-dire la liberté fondamentale de découvrir par nous-mêmes qui nous sommes.
No sen, no frede, pas de honte, pas de crainte. Ma liberté ne se retournera jamais contre l’Autre, cet autre moi-même. C’est la seule règle transmise par nos anciens.
Je saurai enfin et peut-être qui je suis (sama na mi) et serai en mesure de connaître où je vais (Osey mi e go) lorsque j’aurai confronté mes pulsions et ma raison. Efi a obia bun wi o si ini a koti. L’expérimentation, mais sans injonction ni interdiction.
OKwadjani
A découvrir aussi
- LES BUSINENGE : PEUPLE OUBLIÉ OU PEUPLE RELÉGUÉ ? la chronique d'Olson (1)
- UN ÉTAT DES LIEUX SOCIAL DE L'OUEST GUYANAIS
- LA SPIRALE DE L'EXCLUSION EST EN PLACE
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 92 autres membres