WASI MANSIPASI
10/01/2022
Sur les bords du Maroni, les populations locales ont depuis les fosi ten (les premiers temps) la faculté de distinguer parmi une flore d’une rare abondance les spécimens qui, par expérience ou par coutume peuvent être utilisés sous forme de bains en diverses occasions commémoratives.
Ces bains, dits parfois obiatiques ou coutumiers, sont souvent accompagnés de rites anciens, au-delà des « tisanes » imaginées avec les plantes du jardin (Oso dresi) et constituent une variété infinie d’usages de plantes tirées de la pharmacopée non domestique qui sont réputées être des remèdes à des situations ressenties, qu’elles soient physiques, psychiques, sociales, environnementales, culturelles et même et surtout spirituelles pour certains. Et c’est donc cet usage rituélique de bains que l’immense pharmacopée propose comme thérapeutique du vivant pour toutes occasions, fussent-elles simplement commémoratives. De fait, les bains dits obiatiques sont aujourd’hui innombrables et peuvent donc offrir une réponse adaptée à tout état psychosocial avancé.
Regardons aujourd’hui un thème bien spécifique : la commémoration de la seconde abolition de l’esclavage en Guyane. Ce dernier est depuis la Loi Taubira considéré comme crime contre l’humanité, en Droit imprescriptible. S’impose alors le questionnement opportun de tous ceux qui, commémorant, cherchent et veulent s’identifier à l’Histoire du « vivre ensemble » : Puisque crime il y a, qui sont les criminels ? Peut-on alors vivre à côté d’un criminel ? Ici se trouve la réponse attendue de nos pharmacopées et de la balnéo-phytothérapie : un bain identitaire pour tous.
Ici des réflexions sur l’Histoire à laquelle nous nous identifions nous conduisent parfois à ces questionnements datés et analyses de faits de personnages divers de nombreux depuis les quelques quatre cents ans de présence communautaire diverse sur ces rivages. Les sujets commémoratifs sont innombrables et la réponse de la pharmacopée inépuisable. Le rapport des uns aux autres est ici dans les modes de transmission des uns et des héritages perçus par les autres. Ici, la reconnaissance de notre identité collective se découvre partageable avec tout un chacun. Nous nous trouvons ici dans une relation historique entre l’environnement et ces enseignements thérapeutiques.
Et donc qui sont les criminels ? La vraie question n’est-elle pas plutôt de dépasser un héritage clivant, un historique ressentiment ? Car enfin il s’agit ici de se remémorer ce que nous sommes, ensemble aujourd’hui, si l’on veut réellement envisager un avenir commun que nous aurons à initier ensemble.
Si commémorer est un acte de mémoire, l’on va regarder ce qu’il s’est passé autrefois et les conséquences sur vous et sur moi aujourd’hui. Ce ressenti est-il partageable ou pas ? En abolissant hier ce qui était devenu un crime contre l’humain, abolit-on aussi le ressentiment ? La question de savoir « qui sont les criminels » reste-t-elle posée ?
De fait, elle ne se pose pas sur les bords du Maroni, semble-t-il. La balnéo-phytothérapie éprouvée au moins durant ces deux siècles de crimes dépassés parce qu’abolis et leurs Mémoires réelles ont forgé ici notre identité collective. Les bains de plantes depuis le temps du Marronnage transcendent ce que banalisait l’esclavage, à savoir l’horreur du crime contre l’humain.
Force est de constater que le Marronnage et ces assurances issues de divers héritages ont su forger d’innombrables réponses à tous les questionnements physiques, psychiques, spirituels voire historiques. Des réponses donnant lieu à des pratiques désormais assumées comme afro-américaines.
L’abolition de l’esclavage est une date qui décrète qu’un acte criminel légal dans la durée, a été aboli en Guyane par deux fois. Ce n’est qu’en 1863, à l’abolition d’une condition servile qui perdurait au-delà de toute morale au Suriname, que la réponse balnéo-phytothérapeutique a su élaborer et proposer des bains soit conjoncturels soit en mémoire
d’événements précis, commémorables sous formes démonstrations festives, même si de nombreuses croyances religieuses importées en Guyane et au Suriname les considèrent avec suspicion comme Afokadre (la superstition).
Ces bains peuvent-ils alors vaincre ou balayer par une simple expérimentation (la loi de l’Obia) le doute ou l’interprétation prétendument rationaliste ?
Il suffit d’expérimenter.
Efi a obia bun wi o si fa a koti. Go luku, go proberi fa a e seti gi yu.
OKwadjani
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